Niallàn est une Scandinave : c’est un fait indéniable. Grande, voire très grande pour une femme, son corps d’une finesse athlétique arbore une musculature bien dessinée, qui a néanmoins tendance à ôter toute douceur à ses formes. De silhouette longiligne, avec peu de poitrine, elle a développé avec le temps et l’entraînement une grande agilité et souplesse dans ses mouvements. Elle n’est qu’os et muscles, ou presque et compense son apparence filiforme aux arrêtes tranchantes avec une force insoupçonnée. Elle n’est pas à sous-estimer. La partie la plus habile de son corps réside dans ses doigts, d’une extrême finesse, semblables aux gracieuses pattes d’une araignée. Il faut un œil exercé, ou alors la fréquenter souvent, pour s’apercevoir de quelques maladresses étranges dans sa démarche ou ses gestes. Avec la fatigue ou la nervosité, ses mouvements deviennent plus saccadés. Car en voulant toucher sa peau pâle, on peut parfois sentir la froideur des prothèses biomécaniques. Niallàn en possède plusieurs, qui compensent les pertes et les mutilations qu’a subis son corps. Ses deux bras, depuis l’épaule jusqu’aux bouts des ongles, sa jambe droite depuis le genou jusqu’au bout des orteils, son pied gauche depuis la cheville, ainsi qu’une partie du torse, depuis sous les seins jusqu’en dessous du nombril, en comptant quelques organes internes : tout est artificiel et revêtu d’une apparence d’épiderme. Son visage pourrait paraître tout aussi artificiel et, pourtant, il est sien depuis sa naissance. Dans une longue figure ovale, au menton pointu, se dessinent une petite bouche pincée, des pommettes hautes et saillantes, des yeux d’un vert d’eau vif légèrement étirés vers les tempes, un nez aquilin, le tout reposant sur une ossature racée, sèche, naturellement sévère et peu expressive. De longs cheveux d’un blond cendré, presque devenus blancs en se décolorant avec le long séjour dans l’espace, croulent jusqu’à mi dos et se révèlent souvent très indisciplinés.
Voilà une Islandaise pas bien commode… Niallàn est une créature acerbe, sarcastique, cynique même, au quotidien. Elle affectionne l’humour noir, appelle son pessimisme « le fait d’être réaliste à propos de la bêtise humaine ». Elle préfère souvent voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein, ce qui lui permet ne pas trop espérer en l’avenir, donc ne pas être sans cesse déçue et d’en souffrir, tout en restant toujours sur ses gardes. C’est une personne réservée et bienveillante qui se cache sous des airs bravaches. D’apparence détachée de tout, elle fait preuve d’une froide et sage distance avec ses semblables et prend soin d’observer le monde avec un regard critique. Elle est partisane de l’adage : on n’a rien sans rien. Bourrue jusqu’à en paraître insensible, elle est à l’image du paysage du Nord. Incisive tel le vent, indomptable telle la mer. Farouchement indépendante, elle est prête à mentir pour parvenir à ses fins, sans pour autant complètement déformer la réalité. Il faut se méfier de ses regards emplis de malice et de ses demi-sourires ironiques. Peu loquace, elle tait souvent plus qu’elle n’en dit. De l’armée, elle a gardé une discipline de fer et un grand sang-froid… Sauf lorsqu’elle sort de ses gonds.
Niallàn est un être gouverné par la colère. D’ordinaire, elle accomplie consciencieusement son travail. Elle aime s’amuser, profiter de tous les petits plaisirs de la vie mais n’aime guère le principe de faire le mal pour le mal. Cependant, sa psyché est autant constituée de glace que de feu. Un brasier que rien ne saurait étouffer hante son âme. Provocatrice et insolente, forte en gueule comme on dit, elle affronte parfois l’autorité avec un rictus de défi et refuse d’admettre en public ses torts. Bien qu’elle soit lucide sur sa nature chaotique, elle ne supporte pas qu’on lui reproche d’être ce qu’elle est. Niallàn est un feu-follet un peu fou, un peu lunatique, avec un fort instinct protecteur, qui cache d’anciennes blessures profondes. Juste pour se sentir vivante, se laver de ses erreurs et de ses regrets, elle aura tendance à adopter un comportement téméraire, voire autodestructeur. Il est difficile de se lier avec elle, car elle refusera souvent d’avouer sincèrement sa sympathie pour qui que ce soit, préférant abreuver de critiques ceux qu’elle apprécie – il faut y voir une marque d’affection. Ceux qui ne l’intéressent pas ou qu’elle n’aime pas, elle se contente de les ignorer, parfois de les mépriser.

Une enfant choyée, adorée, gâtée au possible puis abandonnée. L’histoire de Niallàn commence simplement et ressemble à n’importe quelle autre. Un père de plus en plus absent, qui ne prend plus soin de sa petite princesse et qui finit par ne jamais revenir. Une mère sombrant dans la dépression, alcoolique, qui finit par perdre son emploi et qui reproche à sa fille d’être l’instrument de sa ruine. Le corps de la fillette se couvre d’hématomes, de griffures et de cicatrices diverses, qu’elle s’efforcera plus tard de faire disparaître avec de la chirurgie. A dix ans, Niallàn s’échappe, sous la houlette de sa tante, avant de finir dans la spirale infernale des services sociaux. Quitter sa petite ville natale n’est pas difficile. Elle refuse tout contact avec sa mère et veut jusqu’à oublier son existence. L’enfant devient distante, renfermée, agressive à tout rapprochement. Ce n’est qu’avec sa tante Helga qu’elle réapprend à donner sa confiance.
Helga est astrophysicienne. C’est elle qui donne l’envie à l’adolescente de découvrir des étoiles et de voyager dans l’espace. Elle entre dans l’armée, plus précisément dans les Forces Spatiales et se démène de toutes ses forces pour réaliser son rêve. Dans l’espace, tout paraît différent. Elle veut à tout prix s’éloigner de la Terre, des trop nombreux humains qui la peuplent et dont elle se sent étrangère. L’armée lui permet également de se canaliser. Dorénavant, elle possède un but à atteindre. Elle s’assagie, ce qui peut passer pour une froideur extrême en toutes circonstances. Véritable petit prodige, elle sort première de sa promotion à l’académie de navigation spatiale.
Envoyée par le Bifrost dans l’espace, elle intègre une unité de patrouille, gérée par les forces conjointes de plusieurs pays européens, autour d’astéroïdes en pleine exploitation minière. La station orbitale principale doit absolument y être protégée des pirates et des terroristes en herbe, qui sillonnent le système solaire en quête de butins faciles à gagner. Niallàn prend son rôle très cœur, notamment parce qu’elle se sent à sa place si loin de la Terre. Sa planète ne lui manque guère. Et si elle réfrène ses contacts avec les autres membres de l’équipe, elle en vient toutefois à les considérer comme sa seconde famille.
Plus de dix ans dans l’espace laissent des traces. Niallàn gagne ses galons de Sous-lieutenant. Il faudra pourtant que son paradis vole en éclats. La patrouille est un jour prise en tenaille par les pirates. Si le convoi minier réussit à s’échapper, ce ne sera pas le cas du vaisseau militaire. Pris entre deux feux, il se désintègre et rares seront les rescapés. Niallàn en fait partie. Grièvement blessée, il lui faudra de longs mois de chirurgie, de convalescence et de rééducation. Elle menace de sombrer dans la dépression mais refuse de l’admettre : ce serait trop ressembler à sa mère. Pour se voir poser les prothèses et se réhabiliter dans la société, elle est renvoyée sur Terre. Un an passe, où elle tente de se reconstruire, d’effectuer de petites missions pour se remettre à niveau. Elle frôle à quelques reprises les sanctions d’usage, pour son insolence et son insubordination. Elle devient instable, renaît avec ses colères comme lorsqu’elle était enfant et commence à perdre le soutien de ses supérieurs.
Tout le monde ne la laisse pas tomber. Alexander est un ami de longue date, un pilote, un frère d’armes et même un amant occasionnel. Il ne se laisse pas rebuter par le comportement erratique de Niallàn. Il lui apprend à faire face à la culpabilité du survivant, à réapprendre à vivre, tout simplement. C’est lui qui la pousse à postuler pour entrer sur un navire du Projet Noé. « Ta place est dans les étoiles, certainement pas ici. » Contre toute attente et en dépit de petites mentions sur son mauvais caractère, ses excellents états de service la propulsent sur l’Avalon. Elle se doute cependant qu’elle sera surveillée durant le voyage. Pour entrer dans l’équipage, parmi l’équipe des navigateurs, elle sera une détachée civile de l’armée. Elle demande à Alexander de la suivre mais le destin de celui-ci le fait embarquer sur un autre vaisseau du Projet, avec une autre destination. Qu’à cela ne tienne, Niallàn embrasse sa nouvelle voie de bon cœur.
Elle était sortie de stase au moment du crash. Elle se trouvait sur le pont de pilotage, en compagnie des pilotes et d’autres navigateurs. Elle se souvient parfaitement de cet instant. Elle le revit presque toutes les nuits. Ses calculs étaient bons, elle était la meilleure de son équipe et, malgré tout, le vaisseau s’était crashé sur cette planète inconnue. Elle s’en est sortie avec quelques blessures mineures mais met du temps à se décider à cesser de rôder autour du vaisseau. Elle ne voulait pas quitter l’Avalon. Il était sa maison. Et hélas, elle lui avait fait défaut.
Niallàn reprend du service parmi les militaires en tant que navigatrice sur les navettes de transports, quand elle n’erre pas dans la nouvelle colonie, à moitié ivre ou qu’elle ne provoque pas des bagarres qui lui valent le doux surnom de la Teigne. Plusieurs fois, elle finit en cellule de dégrisement improvisée, le temps qu’elle se calme, avant de reprendre le service actif. Niallàn fonctionne en automatique depuis des mois, incapable de s’adapter à cette vie, incapable de ne pas tourner le regard vers les étoiles.

*Citation : Le Seigneur des Anneaux 1 : La Communauté de l'Anneau

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