Les antalgiques de l'infirmerie sont vraiment efficaces. Et les pommades contre les bleus aussi. Du coup, je ne ressemble ni à la Schtroumpfette, ni à une mamie rhumatisante. Ce qui est plutôt agréable, vu que je viens d'arriver au Trou dans le Mur, pour y retrouver le commandant Dupuy. Rien de romantique, plutôt un verre pour nous remettre de la journée. J'ai quand même fait un effort pour être présentable. Pas de tenue sexy ou de robe, il ne faut pas exagérer, mais au moins mes vêtements sont à ma taille, et pour femme, plutôt que des fringues de mec trop grandes. Mais ça reste sobre, évidemment.

Il commence déjà à y avoir du monde, alors que je pousse la porte. L'ambiance commence à se faire festive, le bar prend son aspect nocturne. Je ne vois pas mon supérieur, mais l'obscurité générale est trompeuse. Je m'avance pour fouiller un peu plus le coin du regard, mais sans succès. Où retrouve-t-on quelqu'un avec qui on a rendez-vous dans un bar ? Au comptoir, en général. Donc je commence à le longer, mais toujours pas de commandant Dupuy.

Je m'installe sur un tabouret vide, à côté d'une autre place libre, histoire qu'il puisse s'asseoir en arrivant. Il est encore assez tôt pour que les serveurs ne soient pas débordés, et j'obtiens assez rapidement ma pinte de brune. Je commence tranquillement à boire, en m'étirant le dos. Il n'y a pas à dire, mais il était lourd le bestiau, et mes côtes s'en souviennent.

Heureusement, je suis entre deux gorgées. Heureusement. Car lorsqu'une voix masculine vient me chuchoter dans l'oreille, je sursaute violemment, et ça aurait pu être désagréable pour la personne chargée du ménage, si j'avais craché de la bière. Je me contente donc d'un sursaut notable, qui manque me faire perdre l'équilibre. Je me retourne vers le chuchoteur, prête à l'envoyer promener vertement. Mais les mots me restent dans la gorge, vu qu'il s'agit du commandant. Évidemment. Je sens qu'il faudra que je m'habitue à ça, si je ne veux pas finir cardiaque. Il a l'air très contente de lui, et après quelques instants,je lui rends son sourire. A défaut d'être très subtil, c'est drôle, et vu la journée qu'on a eu, on peut laisser la finesse au placard pour la soirée.

"Non, je viens d'arriver. Bien remis de la baignade ?"

Pour autant que j'ai pu le voir, il a moins subi que moi lors du combat, mais il y a plusieurs moments où je n'étais pas très attentive. Je l'examine du coin de l'œil, il a l'air en forme. Je détourne le regard, en réalisant que je suis plus en train de mater que de m'inquiéter. Sa bière arrivant, je lève mon verre dans sa direction.

"Aux merveilles de l'océan ?"

Mon ton est ironique, ce requin à deux têtes était une vraie saloperie, et je me réjouis d'avance de le disséquer demain. En attendant, ma bière a un goût particulièrement savoureux de victoire.

"Ça change de vos combats sur Terre, non ?"

C'est une évidence, mais ma question est sincère. C'est la première fois que j'ai combattu à ses côtés, en dehors des simulateurs.

Dommage que je sois trop abimée ? Il parle de moi, ou de la porteuse d'écaille ? Difficile à dire, mais je penche pour la deuxième option.  Mais il n'a pas pris la peine de préciser, et c'est plutôt agréable de pouvoir imaginer que son inquiétude est plus personnelle. A condition de ne pas vraiment y croire, évidemment.

"Quelques bleus, mais rien qu'un bon antalgique ne puisse pas passer."

La réponse à mon ironie est du même ton, et me fait sourire largement.

"Il parait que le steak de requin, c'est plutôt bon. Mais c'est vrai que je ne prendrais pas le risque de le goûter sans faire des examen d'abord."

J'aurai bien trop peur de m'empoisonner, même si le régime végétarien, et de tablettes nutritives, commence à sacrément me peser.

"Un bon steak de bœuf, ça me suffirait bien !"

Ma question sur ses habitudes de combat était complétement maladroite, et sa réponse me le fait gentiment sentir, même si ce n'est peut-être pas son intention. Mais il a raison, on ne va pas parler comme si on était à l'UTRD. Je prends simplemnt le temps d'expliciter ce que je voulais dire, même si je sens que je vais encore m'en mordre les doigts.

"Non, pardon. C'est juste que vous n'avez pas votre Ecaille depuis tant de temps, et vous vous en servez comme si elle faisait partie de vous depuis des années. Et je me demande si ça vient de votre entraînement."

Mais je n'y crois pas trop. Je doute que Jonas ait pu faire preuve de la même aisance, et je connais très bien sa façon de bouger. Ce n'est pas trop le moment de penser à mon ex-mari, et je bois quelques gorgées de bière.

"Bon, si on ne parle pas boulot, vous voulez parler de quoi ?"

Je n'ai jamais été douée pour faire la conversation, alors il va falloir qu'il m'aide.

Aïe, touchée. C'est fourbe de mettre mon fils dans la balance, même si je ne suis pas sûre qu'il l'ait fait volontairement. Mais c'est vrai qu'il a besoin de moi, surtout en ce moment. Je grimace, et me plonge dans ma bière, pour faire taire la bouffée de culpabilité qui m'envahit. Mon boulot et ma passion sont assez envahissants dans ma vie, et aussi fort que j'aime Njáll, j'ai tendance à ne pas remarquer la place qu'ils prennent, à ses dépends.

Heureusement, on dévie rapidement sur la viande, et je tends la main pour conclure cet accord implicite qu'il me propose, avec un grand sourire. Ce n'est pas pour tout de suite, j'en ai bien peur, mais ça ne m'empêchera pas de chercher.

"Ça marche, si je trouve un truc comestible, je vous préviens de suite, pour qu'on puisse partager un repas plus frais !"

Il répond ensuite à ma question maladroite, même si à l'entendre, il n'a rien fait de plus que s'entraîner. C'est vrai que je passe pas mal de temps au labo, et je suis réveillée depuis moins longtemps que lui. Peut-être qu'en tant que soldat, il a tout simplement plus l'habitude de l'entrainement. Même si je suis sportive, passer des heures dans un simulateur ne m'attire pas plus que ça.

Évidemment, comme je le laisse en charge de la conversation, je ne peux pas revenir en arrière lorsqu'il propose un sujet. Et j'aurai pu m'attendre à ce que la discussion prenne un tour personnel, c'est ce qui arrive quand on ne parle pas boulot. Mais je grimace légèrement, un rictus qui tire l'angle de ma lèvre. Heureusement, il me donne une piste de départ assez neutre. Je prends quelques secondes pour réfléchir, en finissant ma bière.

"Hum... Je suis venue pour le plaisir de la découverte, surtout. Sur terre, j'étais déjà spécialisée dans l'étude des animaux vivant à l'écart, très au large des côtes et dans les abysses; Ce sont des endroits encore assez mal connus de la Terre, ou ça l'était quand on est parti. Alors, quand on m'a fait miroiter toute une planète à découvrir, avec des océans complétement inexplorés, je n'ai pas pu résister !"

Enfin, heureusement que Jonas était partant aussi, sinon la situation aurait été compliquée.

"J'espérais aussi offrir à Njáll de nouvelles perspectives d'avenir, dans un monde qui ne soit pas surpeuplé, où il pourrait vivre comme les héros de ses livres, dans un monde où tout est à faire."

Ce qui est un peu plus compliqué ici que dans mes projets.

"Aujourd'hui, j'espère pouvoir le garder en sécurité, je suis soulagée qu'il ne soit pas compatible."

Savoir mon fils confronté directement avec ce qu'on peut trouver ici m'aurait rendue folle d'angoisse, je pense.

"Et vous, c'est le goût de l'aventure qui vous amène ?"

Je me rends compte que je ne sais vraiment rien du commandant. Lui à lu mon dossier, pas moi. Je ne sais même pas si il a de la famille ici. Je l'espère pour lui.

Une invitation à dîner ? Oui, apparemment. Bon, d'ici à ce qu'on trouve une viande comestible, j'ai le temps de voir venir, mais un dîner avec le commandant, pourquoi pas. Ça fait une suite logique au verre de ce soir. Ou aux verres, vu que j'ai déjà fini ma bière. J'ai une descente tout à fait honorable, et je ne vais pas faire semblant de ne pas aimer ma bière simplement pour paraître plus distinguée.

La facette que laisse voir le commandant, en parlant des personnes compatibles non-militaire, et cette inquiétude qui transparaît, j'ai pu la sentir lorsqu'il est venu me rejoindre, et lorsqu'il a cru que j'étais blessée, mais elle est plus nette maintenant. J'ai l'impression d'y voir une volonté de protéger les autres. C'est très honorable. Et sans doute assez dur à vivre, quand on doit envoyer ces mêmes autres à l'affrontement, avec ce qu'on leur a appris comme seule arme contre la mort. Je n'aimerai pas être à sa place. Je vois ma compatibilité comme une chance d'explorer, lui doit la voir comme un danger permanent. Mais je ne suis pas assez inconsciente pour ne pas apprendre, et je me contenterai de plonger protégée par la barrière de corail, si je suis seule.

Même ses raisons de venir ici, sur cette planète, sont des raisons altruistes. Protéger les autres, offrir un avenir aux hommes. Les mêmes raisons que celles qui m'ont conduites à emmener mon fils, appliquées à un plus grand nombre. Mais il m'a l'air plutôt seul, ici.

"On pourrait croire que vous êtes un homme bien, à vous entendre."

J'enrobe le compliment d'une dose d'ironie, mais je pense vraiment que c'est une bonne personne. Sauf que je ne vais pas lui dire aussi directement. Je fais signe au serveur de m'apporter une nouvelle bière.

"Donc si j'ai bien compris, pas de famille ?"

Je fais ma curieuse, mais puisqu'on est censé parlé de nous, autant y aller.

"C'est aussi pour ces raisons que vous êtes devenu soldat ?"

Je ne parle pas vraiment boulot, plutôt de nos choix professionnels. Ce n'est pas la même chose, n'est-ce pas ?

Lorsqu'il me corrige, pour simplement prétendre n'être qu'un militaire coincé dans son rôle, j'ai un petit rire sceptique.

"N'oubliez pas que je sais très bien ce que c'est un militaire, au-delà de la caserne. Et aussi d'être à ce point pris par son boulot. Ca m'a coûté un mariage de l'apprendre, et d'apprendre que le travail peut prendre trop de place pour la famille."

Jonas et moi l'avons découvert, lorsqu'on a réalisé qu'il fallait choisir entre le boulot, notre couple et notre fils. Au moins, nous avons été assez adultes pour ne pas faire passer notre enfant en dernier. Mais je comprends très bien ce que veut dire le commandant lorsqu'il dit ne pas avoir eu de place pour la vie de famille. Surtout si, comme il le mentionne très brièvement, il n'a pas eu un modèle très attrayant et motivant. L'armée, donc.

"Vous y avez trouvé votre bonheur ?"

Une question anodine, et en même temps non. Il peut s'y sentir à sa place sans être vraiment heureux. Ou au contraire, y trouver tout ce qui lui manquait avant, vu la façon dont il me dit ça. Ma bière arrive, et je bois quelques gorgées, pour lui laisser le temps de me répondre, ou de laisser passer ma question. Rien ne l'oblige à me répondre s'il n'en a pas envie.

Certains de mes amis, sur terre, étaient les collègues de Jonas et leurs femmes, et la vie de couple réussissait à certains, preuve que ça reste possible. Dans mon cas, il serait hypocrite de reporter la faute uniquement sur le métier de Jonas, j'ai ma part dans notre divorce, et pour les mêmes raisons.

"Jonas et moi sommes toujours en bons termes, nous sommes venus ensemble et il fait partie des militaires de la Colonie. Notre divorce est une décision commune, une vie de couple où on pense plus au travail qu'à l'autre, ça ne vaut pas le coup. Autant rester amis."

Cette union n'a pas tenue, mais je ne trouve pas que ce soit totalement un échec. Déjà, parce qu'on a un fils, dont je suis très fière, mais aussi parce que nous avons su éviter les déchirements et les scènes. Nous avons simplement choisi autre chose que notre couple. Parfois on trouve la satisfaction ailleurs que dans l'amour, et on se contente de ce que la vie nous donne, sans chercher une hypothétique âme-sœur. C'est aussi ce qu'il a l'air de dire, qu'il trouve ce qui lui faut dans sa vie.

"Vous trouvez votre bonheur à protéger les autres, et vous dites que vous n'êtes pas un type bien ? Qu'est-ce qu'il vous faut !"

Une provocation dans le ton, qui masque un peu le compliment. Comme il fallait s'y attendre, le commandant me retourne l'interrogation, et je prends quelques secondes pour réfléchir, en avalant quelques gorgées de bière.

"Une planète à découvrir, avec des océans inexplorés, je ne sais pas si c'est le bonheur, mais je ne regrette pas d'être venue. J'ai eu l'occasion de constater que ce n'était pas dans le mariage que je trouvais mon bonheur, alors je tente d'autres options."

Ah. Trop tard pour rattraper mes mots, encore une fois. Mais la bière me rend téméraire, et j'adresse un sourire à retardement au soldat. J'ai assez entendu d'humour de caserne pour savoir comment peuvent être déformés mes propos, autant le prévenir que cette fois-ci, je m'y attends. Enfin, j'essaie.

Nous n'avons pas seulement été matures. Il n'y avait tout simplement plus assez de passion entre nous pour qu'on se déchire. Notre relation s'était apaisée en amitié, c'est plus facile à regarder en face qu'un adultère ou un déséquilibre. Dupuy semble devenir plus cynique à mesure qu'il boit, dans sa description de son rôle de militaire. Difficile de lui donner tord, je n'ai rien contre les militaires (ça serait un comble) mais je ne suis pas vraiment pro armée non plus. Et je comprends son sentiment d'utilité. Les actions que nous entreprenons, les recherches que nous menons, ici, ont une application immédiate. Pas dans un futur hypothétique, pour d'éventuelles améliorations médicales futures (ce qui suffisait à me satisfaire sur terre), mais dans le quotidien, pour des personnes qu'on croise tout les jours.

Bien sûr, ma provocation est relevée, détournée et taquinée. Je crois que je commence à prendre l'habitude, et c'est plutôt agréable. Je lève donc mon verre à mon tour.

"Peut-être, mais je pourrais toujours me défendre en disant que c'est vous qui m'avez invitée !"

J'ai comme l'impression que les taquineries glissent de plus en plus vers un défi plus intime, mais je suis incapable d'arrêter le mouvement. Ou de l'accentuer. Je ne sais même pas si ça me plairait ou m'embêterait. En tout cas, le jeu me plaît, même si je ne le maîtrise pas du tout.

"Au moins, vous saouler, ou me saouler avec vous, est une façon très agréable de passer la soirée."

Je ris en disant ça, car je ne suis pas du tout certaine de mieux tenir l'alcool qu'un militaire endurci.

Il n'a pas l'air de vouloir faire marche arrière, lui non plus. Pourtant, le double-sens de nos paroles devient de plus en plus évident, et je pense qu'il n'est pas si bouché. On est donc plus ou moins à l'abri de ce moment si gênant où on réalise qu'on n'est pas sur la même longueur d'ondes.

"Une contre-attaque ? Mais voyons, je vous fais simplement confiance pour vous conduire en parfait gentleman !"

Je prononce cette phrase de ma voix la plus sucrée, en battant outrageusement des cils, comme une parfaite bimbo. Une bimbo musclée, sans décolleté, et avec un "minois" pas franchement charmant. Je n'aurai pas osé agir ainsi dans le cadre professionnel, mais on ne peut pas prétendre que ce soit encore ce genre de rapports qui est en jeu. Ce qui risque de faire bizarre lors du prochain entraînement.

En tout cas, il balaie les derniers doutes que j'aurai pu avoir sur sa façon de voir la soirée. Et je lui souris, moins comédienne, mais toujours joueuse, tout en buvant une gorgée, petite, mais que je fais durer.

"Ce qui se passera ? Mais que pourrait-il bien se passer selon vous ?"

En réalité, j'ai bien une idée de ce qui pourrait se passer. Je passe déjà une excellente soirée, et si elle devait en rester là, je ne serai pas déçue. Mais je dois bien avouer que connaître davantage le commandant ne me déplairait pas. Il faudrait être sacrément difficile pour bouder l'occasion, si elle est offerte. Je réalise qu'il est très perturbant d'envisager de coucher avec un homme, et de toujours l'appeler par son titre et son nom de famille.

"D'alleurs, on en est toujours à "commandant Dupuy" ?"

La provocation, et le rire encore.

A moins que je souhaite le contraire hein ? Il semble bien décidé à me laisser l'initiative, ce qui est particulièrement appréciable. D'autant qu'il ne me cache pas que l'initiative en question ne lui déplairait pas, et que mon apparence n'est pas à prendre en compte pour ce genre de choix. Il y a le jeu, bien sûr, mais le sérieux revient, par petites touches, juste ce qu'il faut pour que les choses se passent entre adultes consentants, et pas uniquement entre joueurs emportés trop loin. Je garde un sourire en coin, alors que je hoche la tête pour accuser réception de ses propos. Je le crois tout à fait, mais je réserve ma réponse pour le moment. Non pas qu'elle fasse beaucoup de doute, mais ce n'est pas une raison pour écourter les choses. Enfin, pas trop.

Bien entendu, il me confirme que le moment n'est plus aux grades et aux noms de famille, avec une nouvelle allusion qui me fait ouvertement rire.

"Tu sembles bien sûr de toi, il faudra être à la hauteur ensuite."

Provocation pour provocation, allusion pour sous-entendu. Mais mon regard se fait plus chaleureux alors que je regarde à nouveau Thomas, le visage, mais aussi ce que son tee-shirt laisse deviner de lui. Pas comme un morceau de viande, je déteste ça chez les hommes, ce n'est pas pour faire pareil. Plutôt comme on regarde un amant, ou futur amant. Et mon sourire s'élargit, alors que je prends quelques nouvelles gorgées de ma bière, qui se réchauffe sans que j'y prête la moindre attention. Ce n'est plus vraiment ce qui m'intéresse. Je me pose davantage la question de mon appartement, ou du sien. Mon fils est chez moi, et il peut passer la nuit seul, mais il n'aime pas ça. D'un autre côté, revenir avec un homme qu'il ne connaît pas...

On verra bien. Ça ne m'inquiète pas non plus assez pour casser l'ambiance. Juste ce qu'il faut pour que je prévienne avant que ça ne devienne un problème. Je doute que Thomas apprécie de se souvenir que j'ai un fils en le croisant chez moi.

"Il faut juste que je te prévienne, mon fils est chez moi. Qu'on s'en souvienne au moment de choisir."

Je ne précise pas ce qu'il faudra choisir, il le sait surement aussi bien que moi.

Son humilité me fait sourire. Pas un sourire moqueur, plutôt complice. Je ne demande qu'à me faire ma propre opinion sur le sujet, et je le lui laisse voir. N'étant pas très "conversation de filles" j'ignore comment il peut être perçu au sein de la colonie par le beau sexe, mais je doute qu'il ait beaucoup de mal à plaire. Je ne suis pas plus forte qu'une autre pour résister au charisme d'un bel homme, et il l'est. Mais je ne cherche pas non plus à résister, j'ai passé l'âge d'être une oie blanche, et je ne suis pas le genre à me priver de ce qui me fait envie. Certes, si il avait la conversation d'un bulot, aussi séduisant que soit son visage, je serai beaucoup moins touchée, mais ce n'est pas le cas.

Alors que je parle de Njáll, je crains un peu de le voir se rétracter, malgré tout, mais sa réponse ne me fait pas regretter ma franchise, car il prend en compte les sentiments de mon fils. Même si je ne peux retenir un rire lorsqu'il parle d'être bruyant. C'est tout à fait vrai. Mais il se dit prêt à attendre un moment plus propice, ce qui est surprenant autant que plaisant. Mais je secoue la tête avec un sourire.

"Il peut rester seul oui, il sait m'appeler en cas de problème, et il est en sécurité. Laisse-moi juste un instant."

C'est l'avantage des tests subis avant d'embarquer, je ne crains pas l'intrusion d'une personne mal intentionnée qui pourrait s'en prendre à lui. Et la sécurité offerte par l'IA domotique est plutôt rassurante. Je prends le risque de nous voir interrompus par un appel, mais je préfère cela à l'inquiétude. Je prends mon téléphone, et lui envoie un message rapide pour le prévenir. Il a mangé et s'est couché avant que je parte, donc il devrait logiquement dormir, s'il ne profite pas de mon absence pour jouer. J'envois aussi un bref message à Jonas, pour lui demander de passer voir si tout va bien après son service, qui doit finir tard aujourd'hui. C'est un prêté pour un rendu entre nous. Je range le téléphone dans ma poche, et adresse un sourire joueur à Thomas.

"Je suis tout à fait disponible pour... "prendre le café"."

L'expression est bien amusante, même si elle risque de me provoquer quelques rires involontaires dans les prochains jours. De fait, vu le tour que prend la conversation, je ne suis pas sûre qu'on reste encore très longtemps au Trou. D'autant que deux bières détendent, mais plus risquent d'être de trop. Je préfère être en pleine possession de mes moyens.