Non, mais je n’avais pas envie de conduire ce truc moi… J’étais bien dans mon siège passager moi. Le vent dans les cheveux, le paysage, le soleil. On se serait cru sur une carte postale de l’ancien temps. La seule chose qu’il pouvait manquer serait de la musique, un bon son bien sauvage pour aller avec la nature, ou une musique de route. Aaaah… je crois bien que ma prochaine modif sera de faire installer un lecteur de musique dans ma combi, et une paire d’écouteurs. Le truc, c’est que si elle se barre avec son papillon de lumière, ça servait à quoi de sortir une voiture ? On aurait pu la laisser au camp au final.

Enfin, je regarde Mel’ décoller, c’est vrai que son armure est pas mal. Un peu tape à l’œil avec l’or et le noir et cette arme bien trop grande. Mais on a tous nos petits fantasmes, si c’était un homme, je dirais qu’il cherche à compenser quelque chose. Là, je dirais juste que c’est pratique, ça attire l’attention. Je la regarde l’éloigner, confirmant juste le suivit audio et sur mon capteur.
Derrière le volant, j’écrase l’accélérateur et j’avance à travers la plaine. Je ne sais pas trop comment la décrire, on dirait un mélange entre une savane bien arrosée et une steppe mongole. Je garde un œil sur l’écaille de Mel’. Vous m’excuserez, mais je ne peux pas prononcer ce nom. C’est bien trop compliqué, ce serait un coup à me couper la langue en essayant !

Ces insulaires, j’vous jure.

Pour ma part, je m’approche de la rivière. Au travers des aléas du terrain et de la végétation, je n’ai pas une si bonne visibilité. Je vais devoir faire appel aux yeux du ciel pour chercher ce qui m’interesse.

- Melchiore, Dis-moi si de là-haut tu vois un coude ou un bassin. Je vais chercher un endroit où garer la Machine. Je n’ai pas confiance en la stabilité des berges et je ne voudrais pas saloper le sol.

Vu que ces plaines me faisaient penser à l’Afrique, j’allais adopter la même façon de faire. Mon ATH clignote, Mel’ semble avoir trouvé un petit coin qui correspond à ce que je cherche. Nickel, je gare la voiture à une bonne centaine de mètres de la berge. Je recouvre les vitres avec du filet de camouflage et je me dirige vers la berge. Je comptais profiter de ce point pour chercher des traces d’animaux. En Afrique, c’était là qu’on pouvait commencer les estimations sur la taille d’une population est sur les espèces qui existaient.

Dans la boue, j’ai trouvé des empreintes de grands cornus. Normal. Mais aussi des empreintes de sprinteurs noirs. Il y en avait plusieurs autres, que je ne connaissais pas. Je filmais tout, prenant des échantillons dans le sol pour les analyser. Je voulais essayer de trouver des résidus de peau ou d’écailles ou de quoi que ce soit. Pendant que je bossais, Melchiore travaillait de son côté, certainement pour cartographier la zone et indiquer la nature du terrain.
Par la radio, je la hèle :

- Il y a des sprinteurs noirs dans le coin, tu sais si on doit s’attendre à autre choses à tout hasard ?

Je voyais Mel’ car c’est comme ça que je devais l’appeler, voler au-dessus de moi, enfin, pas voler. On aurait plus dit qu’elle glissait sur l’air. Je m’attarde une seconde à regarder son balais. En voyant ça, je me dis qu’on n’est pas les plus malheureuses. Disposer de tant de pouvoir et explorer un monde entier. Regardant autour de moi, je vois les empreintes s’enfoncer dans les herbes, à la profondeur de certaines d’entre-elles. Je peux dire que des animaux sont passés ce matin, mais je ne suis pas une experte en pistage.

- Tout ce que je peux dire, c’est que des animaux sont passés avant nous aujourd’hui. Attend bouge pas, je monte.

J’active le champ de répulsion de mon armure et je m’élève du sol. Ça n’a bien évidemment rien à voir avec les capacités des écailles comme celle de Mel’ mais c’est appréciable. Je suis à quelques mètres du sol, mais je vois déjà la steppe se dérouler sous mes yeux vers l’infinie. C’est magnifique, ça me rappelle des souvenirs de la Terre, quand mes parents m’avaient emmené non loin du Kilimandjaro. Il me manquerait plus qu’un immense volcan surplombant la plaine. Mais je m’égare, à la base, je voulais voir dans quelle direction les empreintes partaient.

- D’accord, ça s’éloigne du cours d’eau, direction la plaine et sans détour.

Je fais signe à Mel’ que je redescends et me pose à proximité de la berge, je veux examiner l’eau voir si on peut trouver un peu de faune aquatique. L’eau est un peu trouble, j’ai du mal à voir mais j’aperçois du mouvement. De petits animaux très vif, peut-être des poissons ou approchants. Je n’ai pas le temps de les voir en détails. Ils bougent très vite. Peut-être chasse-t-ils ? Je me penche encore un peu plus en avant pour mieux voir. Et là…

J’ai subitement une alerte de proximité qui s’allume et les poissons disparaissent en un instant. Presque immédiatement après une immense forme sombre surgit de l’eau et tente de me saisir avec sa mâchoire. Ses dents claquent à un centimètre de mon visage, je m’entends crier de peur et de surprise alors que mon instinct active le .12, colle mon bras gauche sous la mâchoire et que j’envoie une décharge dans cette horreur. Les billes d’acier criblent les écailles de l’animal et lui aussi se met à gronder.
Je recule et tombe par terre, j’étais trop paniqué pour bondir ou m’envoler. Je tends le bras et je tire encore une fois puis une autre et encore une autre :

- Crève saloperie !

J’ai les oreilles qui bourdonnent comme si des abeilles faisaient une orgie dedans. Je suis à moitié aveugle à cause des explosions, mais je suis vivante. Ma main trouve une accroche sur l’armure de Mel’ mais la situation est précaire. Heureusement, l’IA embarquée est plus douée que moi et active le champ répulseur. Je me mets à flotter juste à côté de la métisse, le temps de reprendre mes esprits et de comprendre ce qu’il vient de se passer. Je ne suis pas blessée, c’est l’essentiel. Ma vue revient doucement et je retrouve l’audition. J’entends Mel me parler de loin :

- Ouais, ouais ça va, je suis toujours vivante.

Je ne peux pas en dire autant de la bestiole en bas. Son cadavre à moitié carbonisé et à moitié explosé repose sur une berge totalement ravagée. Je vois des bouts d’autres animaux un peu partout. Quel carnage… Je me pose, rien ne risque de revenir ici avant un moment. A gauche, à droite. Rien que de la mort et un terrain impraticable. En bombardant la zone, Mel’ l’a rendu totalement inapte à la vie. Elle vient de bousiller un point important pour les animaux mais aussi un point de recherche privilégié pour nous.
Je m’approche de la carcasse et je commence à l’examiner. Sept bon mètres, je dirais un poids dépassant la tonne. Je note la résistance de l’animal, de larges portions de peaux et de chairs sont intactes après une série d’explosion. Je vois également que les dégâts du .12 ne l’on pas sérieusement blessé. Il faudra que je pense à prendre plus lourd la prochaine fois. Malheureusement, je ne suis pas équipé pour une autopsie ici, il faudra le ramener sur l’Avalon. Mais d’abord je dois parler d’un truc avec Mel’

- Mel’ descends, tu as fait fuir tous les animaux sur les kilomètres, faut qu’on parle.

Ça ouais, on va parler, passé la peur, la surprise et la curiosité, je sens surtout l’indignation d’une telle destruction :

- Merci de m’avoir sauvé la vie, vraiment. Mais tu avais besoin de démolir toute la zone ? Regarde ce que tu as fait, c’était un point d’étude vital, un point d’eau dans une plaine. On aurait pu avoir le spot parfait ! Mais regarde ce que tu as fait, tu l’a totalement foutu en l’air. Et puis ? tu étais obligée de le tuer ? Bordel et avec autant de puissance de feu ? J’étais sauve ! Regarde-moi ce gâchis ! On n’est pas ici pour faire un remake de la Terre ! On est ici pour s’intégré sans tout foutre en l’air ! BORDEL ! Il va falloir apprendre à être un peu mesuré dans ta réponse, tu avais rien de moins puissant en stock tu vas me dire ?

Je me retourne avant que mes paroles aillent plus loin et j’examine la mâchoire du monstre. Bordel, ses dents sont gigantesques. J’en arrache une, presque 10 cm Bien plus que tout ce que je connais sur Terre. Il faudra que je la montre à un zoologiste. Plus calme je dis à Mel’ :

- On va le ramener sur Avalon, sa résistance à tes attaques est considérable, on pourrait apprendre beaucoup avec lui. On en est où des tâches de cartographie ?

Pendant qu’elle me répond, j’ouvre un dossier pour l’animal et je note mes observations. Arrivant à la case « nom », j’hésite un instant puis je me décide :

- Dents de rivière.

Un soupir de soulagement échappa à Melchiore lorsque Sety lui répondit. Elle continua à balayer les environs avec les infra rouge, avec un peu de chance ce boucan aura vraiment fait fuir les menace mais savait on jamais avec des créatures d'un monde inconnu. Elle n'attendit pas que Sety lui demande de descendre et amorça lentement son atterrissage. La seule chose que Mel maîtrisait quand son armure était sur elle était l'ouverture et la fermeture de l'avant de son masque. Facile, elle avait une commande manuelle sur la tempe qui s'activait avec sa main uniquement. Elle passa donc le bout de ses doigts sur sa tempe et le casque s'ouvrit sur le visage de la métisse.

Elle inclina légèrement la tête au remerciement de Sety et l'amorce de sourire mourut dans l'oeuf, avant même de réellement fleurir sur ses lèvres. Croisant les bras, elle fixa la guerrière en face d'elle et son visage devint de marbre alors qu'elle leva la main et compta sur ses doigts en répondant :

C'est pas démoli ni stérile, juste un peu abîmée et on ne verra plus rien d'ici peu. Oui, entre lui et toi, excuse moi de t'avoir choisi toi. Ma puissance de feu était réduite. Et, non, j'ai pas d'autre arme en dehors d'une arme de poing moins efficace que la tienne et des explosifs plus puissants que deux ou trois missiles miniatures.

Les quatre doigts en l'air pour répondre dans l'ordre à ses questions, Mel fixa la biologiste un instant avant de se détourner en haussant les épaules.

Débrouille toi pour le moment, moi je vais vérifier que tout est en ordre dans mes relevés topographiques et prendre un cliché de mon immense désert que je viens de créer ici pour l'ajouter au rapport.

Sur ces mots, Mel referma son casque de la pression de la main et reprit la direction des airs en maugréant. Comme si elle, une experte en explosifs, n'allait pas savoir quoi et comment utiliser les charges et armes s'y rapportant sans risquer de stériliser toute la partie touchée. Melchiore termina ses vérifications et les clichés qu'elle souhaitait ajouter et redescendit vers le véhicule. Elle désactiva son écaille et attendit Sety, appuyée sur le capot en fumant une cigarette.

Je porte une main à mon front, je ne me frappe pas la tête en mode « qu’elle est con » mais c’est plus pour marquer mon dépit en mode « qu’elle est con ». Peu importe « le peu de dommages » qu’elle pouvait avoir causé, le fait était là, elle en avait causé. Que je déteste ce genre de comportement et de réactions. « Nan mais ce n’est pas grave ça va guérir ! ». C’est exactement ce genres de comportement qui ont conduit aux désastres écologiques sur Terre. Alors, oui, effectivement, elle a abimé un simple coude d’eau calme sur une grosse rivière.

En effet, ça ne mettra pas longtemps à se régénérer, du moins en surface, D’ici un an, il ne restera de notre passage que ce cratère, qui finira par s’effondrer et dans deux, au maximum, ça aura disparu. Mais il pourrait y avoir des perturbations, au niveau des marquages de territoire. Je sais que sur Terre, les animaux marquaient les points d’eau pour dire « Venez ici, c’est cool » ou, au contraire « t’approche pas où je bouffe ta famille ». Ce genre de marquage olfactif pourrait être détruit par l’odeur des explosifs. Oui, là je parle au conditionnel car je n’ai pas de certitudes.

Mais passons, Mel’ ne semble pas avoir apprécié que je m’énerve et elle décolle en direction de la voiture. Je me retiens de l’insulter dans ma barbe, nous sommes toujours en liaison radio. En attendant, je termine enfin l’examen de la bestiole, en particulier les dommages causés par le .12. Il faudrait une étude approfondie, en labo, savoir exactement ce que ça lui a fait. Je décide d’appeler le service de ramassage, une unité spécialement équipée pour s’occuper de cadavres volumineux.

Dans l’attente, j’arrache une autre dent à la bestiole, on va faire un petit cadeau à notre amie des iles. Après tout, elle l’a tuée, elle mérite bien un petit trophée. Au point où on en était. Je la lave, débarrassant du sang et de la chaire puis je retourne auprès de la voiture. Elle fume une clope tranquillement sur le capot de la caisse :

- Une équipe de récup’ va aller chercher ça et le ramener à Avalon. Ils ne seront pas là avant un moment. Dans l’attente, tu peux toujours t’occuper en te fabricant un collier avec ça.

Je lui lance la dent, propre et me pose à côté d’elle.

- Je me suis énervée car j’ai peur que les gens reproduisent ce qu’il se passe sur Terre. « Bah c’est pas grave ». Les dégâts sont peut-être minime mais imagine un peu qu’un jour, un type ou même toi, décide de balancer toute la sauce et ravage sérieusement une portion de terrain. Nous sommes des intrus ici, qui sait le genre d’animaux peuvent nous tomber dessus.

Que de dire de plus ? Rien je crois, après chacun est juge, mais j’écrirais un rapport sur l’utilisation des armes de destruction. Ce n’est pas contre Mel’, je crois même me souvenir qu’elle n’est pas « si » bien armée que ça en comparaison d’autre. Mais ça pourrait faire du bien aux gens d’avoir une piqure de rappel.

Finalement, le vois l’équipe de récupération arrivée, on va pouvoir y aller. Parfait :

- Tu as bien ton mégot ? Nickel, tu veux conduire ?