"- Sublime... -humpf !- Phénix Vermillon à Skyhawk. Mon radar détecte une forte concentration de créatures au nord-est de notre position. Je vais aller voir."

Avec un sourire ravi, je penche mes ailes à quarante cinq degrés, et dévie de ma trajectoire pour me diriger vers le point qui sature mes radars de détection. Devant moi, le ciel matinal qui s'étend à perte de vue ressemble à un magnifique tableau aux teintes bleues, orangées et mauves constellé de nuages. En dessous s'étend la terre qui émerge peu à peu de la brume du matin et laisse émerger, arbres, collines, et au loin la mer.
Vêtue de mon Phénix Vermillon tape-à-l'oeil brillant de mille feux et reflétant les rayons du soleil levant tel une boule à facettes, je traverse ce spectacle beau et paisible avec la délicatesse d'une voiture de cirque défilant avec ses panneaux criards tout en crachant sa musique à tue-tête ! J'exagère à peine, simplement parce que je n'ai pas de musique, mais je l’assume bien. Notre armure est sensée la psyché de son utilisateur après tout, puisée dans son subconscient. Ainsi, là où certains s’identifient à de gros méchas, des combi moulantes ou à des cosplay, eh bien moi je suis un oiseau tape-à-l’oeil !

A ma propre surprise je me suis assez vite habituée au contrôle de ma combinaison comme si, réellement, elle m’avait été prévue sur mesure. Bon… je ne dis pas que les premiers vols n’ont pas été laborieux. Je ne dis pas non plus que mon premier essai a failli se terminer dans le lagon mais qu’est-ce que ce souvenir peut me faire rire !
A présent que j’ai une maîtrise de mon écaille suffisante pour effectuer des vols et des manoeuvres basiques sans danger, la sensation de voler avec juste l'épaisseur de mon armure pour me séparer du vide à quelque chose de grisant. D’angoissant aussi, mais surtout d’exaltant car je fais plus que de ressentir les sensations du vol je les vis dans chaque partie de mon corps ! Si le travail de guerrière d’Avalon pouvait se limiter à ça ce serait le bonheur !

Filant à bonne vitesse, mes capteurs ratissant la zone et me rapportant à chaque seconde de nouvelles informations, j'effectue une courbe qui m'amène à quelques centaines de mètres du sol à peine, d'où je peux voir mes cibles de visu.

Là, en bas, une longue colonne se dessine sur le sol en fendant la brume, et se déplace à grande vitesse ! Je me rapproche en poussant sur les propulseurs de mon écaille jusqu'à distinguer l'origine de tout ceci: un énorme troupeau de mammifères qui galope avec frénésie, droit devant lui, en écrasant tout ce qui a le malheur de se trouver sur son passage: herbe, arbustes, et tout le reste !
Je connais suffisamment la faune locale -toutes proportions gardées bien sûr- pour reconnaître un troupeau de grands cornus. Bien que très impressionnants avec leurs cornes immenses, leurs faciès de morses en colère et leurs corps d’éléphants, ces animaux ne représentent pas de réel danger si on les laisse en paix ; j’apprécie même cette occasion de les approcher et de les observer en pleine course. C’est rare d’observer un troupeau aussi immense en mouvement et je ne manque pas l’opportunité d’enregistrer le maximum d’images possible ! On remarque sans mal qu’ils adoptent une formation typique: les mâles ouvrent le chemin, les plus jeunes restent au centre protégés par les femelles, et les individus les plus âgés ou les plus affaiblis ferment la marche.
L’esprit rêveur, je m’imagine déjà les accompagner durant leur périple à bord de mon Phénix Vermillon ou même en devenant l’une des leurs. Je serais une immense grande cornue particulièrement impressionnante qui parcourrait la plaine de toute la force de ses longues et puissantes pattes, protégeant mon troupeau d’une probable menace inconnue ou bien à la recherche d’un nouveau pâturage.
Bon, ce qui est un petit peu préoccupant en revanche c'est que si ces grands cornus continuent de courir tout droit comme ils le font, le troupeau arrivera en plein sur la colonie !


M’arrachant à contrecœur de ma rêverie, je reprends de l’altitude en oubliant mes projets de grande cornue: la raison de notre sortie matinale à Alice et moi n'était pas à l'origine une mission d’étude de la faune et de la migration des troupeaux, mais une simple patrouille de routine couplée à un entraînement. Seulement il faut croire qu'Alice et moi on a le don d'attirer les imprévus ! Quand on y pense, nos supérieurs sont même de véritables inconscients de nous laisser sortir ensemble vu le mauvais karma qu'on additionne !

Amusée par cette réflexion, j'annonce à mon amie:

"- Alice, tu as vu ? On a un troupeau de grands cornus qui prend une direction dangereuse. Je propose qu'on leur fasse une petite frayeur."

« - Skyhawk à "Sublime Phénix Vermillon tape à l’œil", je m’en occupe. »

Je laisse échapper un petit rire joyeux en soulignant avec emphase le nom extravagant que ma Best Friend a osé donner à son nouveau joujou. Sublime Phénix Héroïque des Sept Etoiles Vermillon ? J’ai été prise d’un fou rire en imaginant la tête qu’a du faire un certain « Monsieur balais dans le cul » en découvrant qu’une nouvelle recrue avait osé donner un tel nom à son écaille. Bien sur, je me suis gardée d’intervenir dans cette affaire et j’ai suggéré finalement à Helena de réduire son nom si « poétique » à un simple Phénix Vermillon.

Il fait un temps magnifique et voler dans un ciel matinal, bleu et orangé, c’est grisant. Rien de tel pour me mettre de bonne humeur pour le reste de la journée. Et quand avant de voler, j’ai eu droit à un réveil câlin, voire torride, je sais que je vais être une insupportable fille radieuse déprimante d’optimisme sirupeux (oui, oui moi aussi je peux ajouter des adjectifs à rallonges dans mes propos).

Je plonge vers la plaine et je rattrape le troupeau de Grands Cornus qui se dirige tout droit vers l’une des fermes expérimentales qui ont été établie en dehors du périmètre de défense principal afin de limiter les risques sanitaires. Si les massifs herbivores continuent dans cette direction, ils vont piétiner et ravager les plants et les jeunes pousses. Tout un mois de travail sera perdu.

« - Je vais faire un passage pour les effrayer. Tiens toi prête à intercepter les individus isolés qui ne suivraient pas le reste du troupeau. »

Je fais siffler les réacteurs de Skyhawk et dans un vrombissement assourdissant, je survole la tête du troupeau. Les animaux de tête stoppent soudain et se figent effrayés par l’apparition de mon écaille et le rugissement de mes réacteurs. Je soulève devant eux un nuage de terre humide, de rosée et d’herbes arrachées, veillant à rester hors de portée de leurs cornes dévastatrices. J’ai vu une de ces bêtes éventrer une voiture. Ils sont plus impressionnant que nos éléphants terriens.

« - Skyhawk. Déclenchement de la sirène d'alarme. »

Obéissant à mon ordre, l’IA de mon écaille émet soudain un bruit strident proche de celui qui réveillait les pilotes pour une alerte quand j’étais encore dans L’AAF. Le genre de sonnerie conçue pour vous sortir du sommeil le plus profond et pour résonner dans vos os.

La tête du troupeau s’écarte vivement et se sépare en deux pour refluer vers la plaine derrière. Les grands mâles aux cornes impressionnantes détalent soudain, entraînant plusieurs centaines de Grands cornus à leur suite. Afin de m’assurer qu’ils ne feront pas volte face, je fais rugir mes réacteurs, soulevant un nouveau nuage d’herbes et de graviers.

« - Ahah ! Je savais que ça marcherait ! Pas besoin de tirer dans le tas pour gérer la plupart des animaux sauvages de cette planète. Si on peut éviter de se transformer en bouchers, ça me convient très bien. »

C’est une discussion qu’on a souvent eu Helena et moi. Nous autres humains, nous sommes des intrus dans un nouvel écosystème. Forcement, notre arrivée et notre installation va causer pas mal de modifications locales.  Ce n’est pas pour cela que nous devons reproduire toutes les erreurs commises par l’humanité durant son histoire. J’ai envie de découvrir les merveilles de ce monde et d’y vivre, pas de faire des safaris. Helena est 100% d’accord avec moi à ce sujet.

Je regarde le troupeau s’éloigner au loin dans la plaine. Les Grands Cornus ont repris une allure paisible et je ne peux m’empêcher de leur trouver un air majestueux. Ce sont les seigneurs de la plaine.

« - Yeeees ! Cela vaut la peine de se lever le matin pour voir ça quand même… »

Je modifie l’orientation de mes réacteurs et je m’élève à toute vitesse dans les airs, laissant une traînée de condensation dans l’air. J’effectue un virage serré et une demie vrille pour reprendre un vol horizontal et j’enclenche mes radars de visée pour cibler la silhouette rougeoyante de ma grecque préférée.

Et voilà : Gotcha, ma belle !

Mon radar de visée vient de verrouiller « Sublime Vermillon Sexy de la mort qui tue » et Helena reçoit des alertes soudaines sur ses écrans et une alarme sonore lui indique qu’elle vient d’être abattue.

« - Je t’ai eu ! Une fois de plus. C’est quoi le score déjà ? Cela tourne à la fessée tu sais ?  »

Non seulement c’est complètement déséquilibré comme combat d’entraînement, je suis une pilote de chasse après tout, mais en plus j’assume complètement au vu de l’enjeu de la partie et du pari ! Je laisse éclater un rire provocateur dans notre liaison radio.

Un problème ? Alors que juste avant tout se passait bien ? Mouais… C’est louche tout cela… Je connais bien mon Helena… Elle ne voudrait surtout pas devoir subir les reproche de la Mama pour son tee-shirt trop court…Je m’approche avec précaution, veillant à ne pas me trouver dans l’arc de tir immédiat du bec du Sublime Phénix Vermillon patati patata. Le ton dans la voix d'Helena me pousse quand même à arrêter le jeu et je me porte à sa rescousse. D'une voix posée et rassurante, je lui donne des conseils :

« - Ne panique pas, je suis là. Mets toi à l'horizontale simplement. Comme si tu étais un cerf-volant. Essaye juste de planer doucement et tu te poseras en douceur… S’il le faut, je te rattraperai…»

Soudain mon radar de défense s'affole et l'alerte de ciblage s'enclenche. Sans même réfléchir, fais feu et je pousse les réacteurs au maximum. Skyhawk bondit littéralement dans les airs, me propulsant à plus de 200 mètres de ma position précédente. Ce qui ne me sauve pas d'ailleurs de la traîtrise d’Helena, puisque les ordinateurs enregistrent des dégâts fictifs mineurs. Cela fait une touche de chaque côté sur ce coup, puisque je pouvais difficilement rater Helena à cette distance.

Je pars en vrille, poussant les réacteurs au maximum, puis j'effectue une large courbe à pleine vitesse poussant à fond sur les gaz. Ecrasée par les G positifs, je serre les dents. Du coin de l'oeil, en bas de mon écran je distingue l'image d'Helena qui tente de me viser à nouveau. Je vise à nouveau, profitant de la perte de vitesse occasionnée par la manoeuvre d'Helena pour l'aligner en beauté.

« - Prends ça, espèce traîtresse. »

Mon ton est calme et détaché mais il est facile de deviner que je suis revancharde. Je finis par mettre un terme à l'exercice.

« - Ici Skyhawk, on rentre Phénix Vermillon. Terminé. »

Je reste silencieuse et je ne dis plus rien : Tu m'as fait peur Helena et je t'en veux. Cela ne se fait pas de simuler un incident grave comme celui ci.

Sans rien ajouter, je fais demi tour, réduisant ma vitesse à un tiers tandis que nous nous dirigeons vers la Colonie et le QG de l'UTRD. Nous survolons les murs, puis le terrain d'atterrissage des navettes avant de nous poser sur l'esplanade devant les hangars. Des mécaniciens viennent nous retrouver. Je sors de l'habitacle de Skyhawk, laissant l'écaille déployée afin que les équipes puissent effectuer un contrôle de routine. De nombreux Guerriers croient qu'ils peuvent ranger leur écaille sans effectuer ce genre de contrôle après l'avoir utilisée. Pour eux, l'opération est aussi anodine que d'éteindre leur cafetière. Seulement, ils oublient que l'on ne s'envole pas avec une cafetière et que la technologie des écailles est pour l'instant à peine maîtrisée. Nous utilisons des prototypes dangereux, pas de simples vélos.

Je souris à l'équipe de mécaniciens :

« - Je vous laisse examiner Skyhawk. »

Je jette un regard distant vers en direction d'Helena qui s'extirpe de son Phénix Vermillon et s'approche de moi. Je vais à sa rencontre, me rappelant que je l'aime et que c'est ma soeur de coeur et bien plus encore. Je sais qu'elle devine que je suis en colère, mais je ne suis pas certaine qu'elle en comprenne bien les raisons. Je suis considérée comme une casse cou, mais jamais je ne plaisante avec la sécurité.

« - Tricheuse. Ne me refais jamais ça. On ne plaisante jamais avec les avaries que l'on peut avoir en vol... Jamais, jamais, jamais... C'est trop sérieux. »

Oui j'ai eu peur pour elle et elle le sait. Elle m’a touché au cours de l’exercice mais ça je m'en fous. On ne plaisante jamais avec ce qui pourrait causer un accident mortel. Merde, c'est moi qui suis la casse cou ? Et si elle avait fait une fausse manœuvre après ça ?

D’une voix calme, je lui dis, les yeux dans les yeux :

« - Tu sais, j'ai vu des pilotes se planter en jouant à ce genre de jeu. Il suffit parfois d'un rien. Ne limite jamais la manoeuvrabilité de ton écaille. Même pour rire... »

Je jette un coup d'oeil rapide autour de nous. Les mécanos sont tous occupés à examiner nos écailles. Aha ! Personne ne nous regarde ? Bien... Je tends les bras vivement et j'attrape Helena par le col. Je l'attire vers moi et je l'embrasse fougueusement, non sans glisser une main sous son haut et l’autre sur ses fesses pour peloter tout ce que j’y trouve. Je m'écarte un instant plus tard et d'un air détaché, j'énonce les résultats du jour. Helena est toute rouge.

« - Cela fait 10 à 1. Je suis évidemment la grande gagnante et c'est toi qui a le gage. Première pour la douche ! »

Si la Mama pouvait la voir en ce moment, ce serait le pompon…

Je passe les doigts dans mes cheveux savonneux et je me cambre lentement, laissant échapper un léger soupir. Les mains d’Helena glissent sur mon dos et se posent sur mes fesses. Je frissonne… Je lève mon visage vers le jet d’eau, les yeux fermés, pour chasser le shampoing qui me pique les yeux. J’écoute Helena me dire combien je suis craquante et je souris, satisfaite et ravie du compliment.

« - Je sais… »

Pourquoi jouerai-je la midinette effarouchée ? Je sais très bien depuis longtemps ce qu’Helena pense de mes fesses et j’approuve ses pensées actuelles. Je secoue la tête avant d’ouvrir les yeux. D’une voix amusée, je réponds avec un brin de malice :

« - Certainement. Qui d’autre que toi serait plus indiquée pour masser cet « auguste fessier » qui est mien… »

Je sens le buste plantureux d’Helena se poser sur mon dos. Elle m’enveloppe dans ses bars et je me laisse aller, parcourue d’un frisson. Nos lèvres se rejoignent sous le jet d’eau et je l’embrasse tendrement, me tournant à demi vers elle. Ma main glisse lentement de sa hanche à son ventre et remonte vers son sein gauche. Je l‘empoigne doucement, appréciant sa douceur et sa fermeté. Lorsque mes lèvres quittent enfin celles d’Helena, je me retourne vers elle et je pose mes deux mains sur ses seins. Je les presse longuement avec gourmandise.

« - Je croyais que tu allais oublier de venir me rejoindre… »

Je glisse lentement ma cuisse entre les siennes. Mes mains filent sur ses hanches et finissent enfin par empoigner ses fesses. Lentement, je repousse mon amie vers le fond de la douche, jusqu’à ce que son dos soit arrêté par le mur froid et humide. Avec malice, j’étouffe les protestations de mon amante en lui volant un baiser passionné. Lorsque je stoppe mon baiser, je mordille tendrement son lobe d’oreille droit. Je murmure d’une voix suave :

« - Je te veux… Maintenant… »

Je presse à nouveau ma cuisse entre les siennes et je me rapproche tout près, jusqu’à ce que nos seins se frôlent délicieusement. Je me sens fiévreuse…

« - Je te veux…Je veux te dévorer jusqu’à ce que…. »

Je sursaute soudain alors que l’alarme retentit dans tout le complexe de l’UTRD. Sans même hésiter, je lâche Helena et j’attrape une serviette.

« - Et merde ! »

Je file tout droit vers le vestiaire et mes vêtements, sans même me soucier des regards qui se posent sur moi. Sur le chemin, je tente de me sécher un peu. Le son strident de l’alarme est fait pour donner l’impression qu’il résonne dans votre corps et chacun de vos os. Impossible de l’ignorer. Une fois devant mes affaires, je presse de l’index un bouton sur le Noyau de Skyhawk.

« - Ici Whites. Que se passe t’il ? »

J’enfile une culotte et un soutien gorge pendant que j’écoute la réponse de l’opérateur d’alerte. Son ton est paniqué (encore un foutu civil).

« - Ici QG : Nous avons un groupe de chercheurs en danger. Ils ont lancé un signal d’alerte et… »

Je glisse mes jambes dans le bas de ma combinaison de vol

« - Ok ! Je décolle. Transférez les coordonnées et toutes les infos d’ici quarante secondes. »

Je suis encore trempée et j’avais prévu de m’envoyer en l’air d’une façon différente mais j’enfile mes chaussures avant de partir au pas de course vers l’extérieur où je pourrais déployer Skyhawk. Je jette un dernier coup d’œil vers Helena.

« - Au boulot, brune sexy ! »

Je ne me rends compte que j’ai défilé toute nue devant tout le personnel de l’UTRD, seulement une fois au dehors alors que je lance le déploiement des nanomères.

« - J’espère que vous en avez bien profité bande de pervers… »

Skyhawk se referme sur moi et je décolle dans un boucan d’enfer.

« - Skyhawk et Phénix Vermillon? Ici le QG : Voici les coordonnées d’intervention. La situation est critique. Menace xénobiologique. L’équipe de chercheurs est séparée en deux… »

Malgré l’urgence de la situation, Helena ne peut s’empêcher de me taquiner sur ma sortie des douches à demie nue. Ceci dit, cela m’amuse plus qu’autre chose : Il m’en faut plus pour me gêner. Hé bien quoi ? Les gars du personnel au sol n’ont jamais vu une fille à demi nue ? Au moins, ils auront quelque chose à raconter plus tard pendant leurs dernières années de gâtisme.

« - On se concentre Sublime Phénix Vermillon ! Nos histoires de douches n’ont rien à faire sur ce canal. Et puis de toute façon ton frère ne m’aurait jamais fait remarqué ce genre de choses. Il est bien élevé, lui. »

N’empêche, la situation avant était franchement intéressante… Il faudra poursuivre plus tard. Et sans témoins si possible cette fois. Bon aller, concentre toi aussi, Alice ! Je consulte mes senseurs et je fais une rapide conversion pour connaître notre délai d’intervention. Bon, nous serons sur le site Alpha 16 dans quarante cinq secondes et sur le site Gamma 24 dans une minute et trente trois secondes. Autant dire que c’est une éternité pour un groupe de colons aux prises avec la faune locale.

« - Contrôle ? Faîtes nous le point sur la situation. »

Helena vole à vitesse maximum avec son Phénix. Je pourrais enclencher mes boosters au maximum moi aussi mais mon temps d’analyse de la situation serait forcément réduit. J’ai besoin de savoir où la situation est la plus grave et je dois le savoir maintenant.

« - Le premier groupe se trouve au point Alpha 16, leurs véhicules sont accidentés et ils sont à découvert ; ils nous signalent également plusieurs blessés et sont en danger de mort. Pour le second groupe c'est encore pire: nous avons perdu leur signal en Gamma 24... Selon leur dernier appel de détresse ils étaient attaqués par des créatures de menace 2 ou 3. »

J’entends Helena répondre. Le site Alpha 16 est le plus proche. Elle y sera dans moins de trente secondes.

« - Ici Skyhawk. Je te laisse gérer ça. Je m’occupe du site Gamma24. »

D’une simple pensée, je donne l’ordre à Skyhawk d’enclencher les boosters. Mon écaille fait une soudaine embardée et part en trombe dans un vrombissement terrible, laissant une large traînée de condensation derrière elle.

« - Ici Skyhawk. Gamma 24 m’entendez vous ? J’arrive sur zone dans… »

Je consulte les nouveaux chiffres de poussée et d’accélération…

« - … quarante deux secondes. A vous Gamma24. »

Un long silence me répond sur le canal de mission… Ok, va falloir improviser. Je fais défiler sur un écran annexe les résultats des analyses que me transmettent mes capteurs. De la fumée, des débris et un signal de détresse qui se répètent mais qui semble faiblir. C’est très mauvais signe.

Skyhawk accélère encore et je sens la structure de mon écaille vibrer sous l’effet des turbulences. Je visualise la zone d’exploration et les emplacements des modules techniques servant aux analyses de terrain.

« - Skyhawk : Analyse tactique. Définis des paramètres de tir sécurisés. Trouve les signes de vies humains. Détermine les cibles et transmets moi une visualisation des zones amies. Marge de sécurité 10 mètres. »

Skyhawk est une arme de guerre faite pour nettoyer une zone. Si je dois recourir à la force, je vais faire en sorte de ne pas faire de victimes parmi les gens que je dois sauver. J’espère néanmoins que le vacarme des mes réacteurs suffira à faire fuir la menace.

« - Analyse terminée : Présence de 10.0 unités de forme de vie humaines et de 11.0 balises personnelles de géo localisation. Attention, menace xéno biologique détectée. Une unité. Taille  estimée 8.00. Masse probable 3.00 tonnes »

Et merde. Onze balises personnelles pour dix formes de vie, cela veut dire qu’il y a peut être un mort. Une bestiole de 8 mètres, cela ne peut être que quelque chose de sérieux. Je plonge vers le campement de l’expédition. Il est situé en hauteur, perché sur un rocher non loin d’un estuaire. Je distingue les traces laissées par un corps massif qui s’est hissé depuis le sable. En contrebas, une navette est reversée, éventrée sur toute sa largeur. Les senseurs m’indiquent que les survivants se sont rassemblés en haut des rochers, près des capteurs météos.

Soudain, mes capteurs ciblent une énorme masse qui tente de grimper sur le promontoire rocailleux, par un étroit chemin pentu obstrué par des rochers de granit. Une cible rouge l’entoure calculant l’angle de frappe et effectuant les corrections nécessaires liées à ma vitesse d’approche. Je zoome sur le monstre de près 8 mètres : C’est un quadrupède amphibie extrêmement dangereux selon les données Il est recouvert d’une épaisse carapace chitineuse rouge et agite une queue de scorpion menaçante.


« - Ici Skyhawk. J’ai trouvé dix survivants. Ils sont en danger et ne peuvent pas communiquer. J’engage le combat. Envoyez de toute urgence une navette pour évacuation. »

Faisant vrombir mes réacteurs à dessein, je survole la créature pour détourner son attention. Je tire une fusée éclairante droit dans sa gueule pour m’assurer d’avoir son attention.

« - Aller, espèce de saloperie, viens chercher des noises à quelqu’un qui peut se défendre ! »

La queue de scorpion jaillit me ratant de peu et j’entends Skyhawk poursuivre son analyse :

« Alerte : Elément haute densité détecté. Possibilité de rupture de l’intégrité structurelle en cas de frappe directe. »

Manquait plus que ça… Comme les biologistes appellent ils ce montre ? MG-AM-001 ou Scorphibien. Menace de niveau 4. Autant pour le rapport qui annonçait une menace niveau 2-3…

Je balance une volée de 5 fusées éclairantes, droit sur le monstre en réponse. Il secoue la tête et se détourne des humains pour faire face à mon écaille. Bon voilà. J’ai attiré son attention mais si je tire je risque de tuer les nôtres. Je dois l’attirer vers moi. C'est-à-dire lui laisser la possibilité de m’attaquer…

« - Ici Skyhawk : J’occupe la créature. C’est un niveau 4. Ne traînez pas avec l’équipe d’évacuation. »

Un bruit sourd retentit à l'intérieur du camion. Puis un grognement. Je devine une forme qui s'agite sous la tôle, et la caméra thermique me permet d'apprécier sa silhouette pratiquement comme si je la voyais de mes propres yeux. Elle est énorme ! Devant ce tigre aux dimensions de dinosaure, les équivalents terriens prennent des allures de petits chatons.
Tandis que cette immense bête est occupée à ravager l'intérieur d'un véhicule de transport de matériel, la seconde s'affaire dans une des tentes. Ce qui m'ennuie c'est que je détecte une autre présence tout près d'elle: un humain à coup sûr. Je n'ai pas de temps à perdre, c'est cette pauvre personne que je dois secourir en premier !

Je fais s'approcher avec précaution mon Phénix, scannant tout le périmètre afin d'éviter les mauvaises surprises et m'assurant de rester à au moins une vingtaine de mètres du sol.
J'ai le cœur qui bat vite. Je vis une situation affreuse, précisément celle que je voulais éviter à tout prix lorsque j'ai dû devenir une guerrière d'avalon ! Quoi qu'en dise ce titre et malgré mon écaille à la pointe de la technologie, je n'ai rien d'une guerrière: je serais incapable de tuer un monstre même si ma vie en dépendait, ce serait bien trop horrible ! Je suis venue sur cette planète pour découvrir des animaux, des plantes et des paysages, pas pour les ravager !

Malgré tout j'ai des vies à sauver et des responsabilités: je ne peux pas me contenter d'attendre que les autres agissent à ma place, ou meurent. Je déploie donc mes grandes ailes tapageuses, illuminant les alentours d'une lueur rougeoyante et rendant ma présence impossible à ignorer ! J'active ensuite mes capteurs d'énergie à leur puissance maximale, et bat des ailes au-dessus de la tente déjà bien fragilisée, provoquant de petites bourrasques qui mettent sa structure à mal. La réaction du Super Tigre ne se fait pas attendre: il plante ses griffes de la taille de défenses d'éléphant dans la tente, déchire la toile, et sort en plein jour.

Il est encore plus impressionnant en vrai !! Comment d'autres espèces ont-elles pu se développer sur cette planète en ayant affaire à un tel prédateur ? Comment peut-il trouver suffisamment de proies pour nourrir un aussi grand estomac ? Est-ce simplement parce que c'est nous, humains, qui sommes des organismes ridiculement petits ?
Je ne me laisse pas démonter pour autant: super ou pas, cet animal reste un tigre et si c'est le cas il doit partager un certain nombre de traits communs avec ses congénères normalement proportionnés. Ces animaux aiment chasser en surprenant leurs proies, mais ce ne sont pas des bagarreurs et ils détestent avoir affaire à d'autres animaux agressifs.

Je poursuis mon manège et agis comme un paon en pleine parade: je donne tout le volume que je peux à mes ailes, de déploie bien grande ma queue, j'agite le bec de mon écaille d'un air menaçant, et je pousse au maximum le son de mon haut-parleur extérieur, diffusant une des dernières musiques à la mode sur terre -il y a 60 ans- et qui, pour être honnête (et je ne dis pas ça parce que je suis une vieille râleuse- font plus penser à des hurlements cacophoniques qu'à une mélodie !
Le tigre se replie sur lui-même et commence à me contourner tout en montrant les crocs. Je sens qu'il hésite: tout comme moi il cherche à la fois à jauger et à impressionner son étrange adversaire. Je sors alors ma dernière carte: pointant mon bec bien loin de toute cible potentielle, j'enclenche mon canon à rayon et crache un terrifiant jet d'énergie qui se consume dans le ciel dans un horrible grésillement !

S'en est trop pour la bête qui, malgré toute sa puissance, n'avais pas prévu de combattre une espèce de coq de métal rougeoyant cracheur ! Il grogne de plus belle, puis bondit hors du campement et disparaît dans la forêt.

Sans perdre de temps, je reproduis le même manège avec le second qui, cessant de s'empiffrer avec les réserves de nourriture stockées dans le camion, était sorti voir ce qui se passait. Ne lésinant pas sur les tirs de canon à rayon et usant sans modération de meurtres auditifs tels qu’on savait si bien en produire sur terre, je fais une nouvelle fois ma kéké avec mon Sublime Phénix Vermillon, et l'animal décampe à son tour !

Je pousse un cri de victoire, non sans avoir pris soin de couper mon haut-parleur ! Je prends ensuite le temps de signaler l'avancement de la situation sur une fréquence générale, afin d'avertir aussi bien la colonie que les autres réfugiés encore cachés dans leur cage, et évidemment ma nudiste préférée. J'ai l'air de faire une fixation là-dessus ? Hé, ce n'est pas moi qui me suis promenée devant tout le monde comme ça ! Et puis ça ne m'empêche pas de songer à mes nouvelles priorités: repliant mes ailes, j'atterris avec douceur au milieu du camp en ruines et accourt aussitôt vers les restes de la tente et le blessé. Le pauvre homme souffre de plusieurs lacérations: au niveau de la jambe, de l'abdomen et d'une bonne partie du cuir chevelu. Il a également plusieurs perforations profondes au niveau du ventre qui laissent supposer que le tigre l'a saisi par dans sa gueule. Ils n'ont même pas cherché à le manger visiblement, juste à s'en débarrasser. Heureusement pour lui, et c'est sans doute pour ça qu'il est toujours vivant !

J'ôte le harnachement contenant le matériel médical de première urgence que je n'ai pas manqué d'emporter, puis retire une partie de mon écaille au niveau de ma tête et de mes bras afin d'être totalement libre de mes mouvements et de bénéficier de la précision de mes doigts. Je conserve tout de même le reste afin de pouvoir réagir rapidement à une nouvelle attaque ou à un retour des tigres.

"- Ici Phénix Vermillon à l'équipe de secours. J'ai un blessé grave ici, le pronostic vital est engagé. Dans combien de temps serez vous là ?"

Il y a un petit temps de latence, puis:

"- Encore quatre minutes avant l'arrivée sur le site. Notre hélicoptère médical est prêt à recevoir les blessés."

Je passe les quatre longues, très longues minutes qui restent à m'affairer sur le blessé pour le mettre sous assistance respiratoire, stopper le gros des hémorragies, procéder à quelques injections d'urgence et commencer à le stabiliser. Je suis rejointe par les membres de l'expédition qui sont finalement sortis de leur abri, un peu hagards et pas très sereins. Plutôt que de les laisser s'empêtrer dans un état contre-productif, je m'efforce de me montrer rassurante mais autoritaire en leur assignant quelques tâches comme de s'occuper entre eux des blessés légers et de rassembler leur matériel pour se préparer à une évacuation efficace.

Tandis que nous nous affairons, des bruits sourds résonnent au loin, semblables à des grondements de tonnerre... j'ai bien peur que le skyhawk ne se soit mis en action, et qu'il ait rencontré des ennuis.


Le dernier hélicoptère décolle, emmenant avec lui les rescapés de l'attaque. J'attends qu'ils se soient suffisamment éloignés pour ne pas gêner mon décollage -et inversement-, puis je déploie mes ailes, prend mon élan, et en une seconde je me retrouve à virevolter dans les airs ! Une fois à une altitude raisonnable, j'active des moteurs à pleine puissance et fonce vers la position d'Alice.
J'annonce de ma voix calme:

"- Skyhawk, j'arrive sur ta position dans quarante cinq secondes. Quelle est ta situation ?"

Avant même d'avoir la réponse de ma meilleure amie je m'aperçois bien que quelque chose ne va pas. Des coups résonnent à intervalles réguliers, semblables à des grondements de tonnerre. Le long de la rivière un peu plus loin je vois les arbres trembler comme sous l‘effet d’une tempête… ou d’une immense créature qui les bousculerait et les déracinerait ! Une créature ? ... Non, il y en a même plusieurs !

« - SChrrRRiiiiiiiiiiiEEEEEEEKkkkkk ! »

Oh bloody sh… Cette saloperie est plus vive que je ne le pensais. Elle a bondit vers moi pour tenter de m’attraper avec ses griffes de devant, me manquant de justesse. J’écarte prudemment Skyhawk hors de portée du Scorphibien. Je ne quitte pas des yeux sa queue. Mes scanners internes qui tentent d’analyser sa composition semblent buguer et affichent des messages d’alarme plutôt inquiétants. C’est quoi ce bordel !?

L’état de la navette, éventrée et broyée comme si elle n’était qu’un origami en papier, ne m’inspire pas une confiance absolue dans mes boucliers énergétiques. Le monstre tout en écaille au corps de plus de huit mètres de long hurle à nouveau et bondit vers moi. Je fais glisser latéralement Skyhawk pour l’esquiver et je tire une nouvelle fusée éclairante en plein dans la gueule du monstre. Un panache de fumée rougeoyante jaillit soudain et je vois l’amphibien cuirassé tousser et recracher la fusée qu’il a faillit avaler. Il hurle plus fort encore et bondit à nouveau vers moi. Cette fois, c’est gagné, je l’ai vraiment énervé…

« - Ici Skyhawk. Je crois que j’ai attiré l’attention de la bête. Je ne suis pas équipée pour une frappe chirurgicale, donc je vais essayer de l’éloigner. Où en est la navette de secours ? »

Je compte cinq secondes avant de recevoir une réponse, ce qui est toujours mauvais signe…

« - Ici Contrôle. La navette est en route mais le pilote ne veut pas se poser s’il y a toujours un niveau 4 dans la zone. »

Souvent, j’oublie que nos effectifs ne sont pas composés exclusivement de militaires, de pompiers ou de secouristes. Gardant une voix calme et détendue au lieu d’insulter le pauvre contrôleur qui ne peut rien, je réponds sur la fréquence d’urgence :

« - Ici Skyhawk. J’occupe la créature. S’il y a le moindre risque, je l’éliminerai mais nous avons dix hommes et femmes qui ont besoin d’une évacuation immédiate. Nous comptons sur votre aide. »

Ma voix affiche une confiance dont je ne suis pas totalement sure : je n’ai pas essayé de tirer sur ce Scorphibien et je ne suis pas certaine de pouvoir transpercer sa carapace d’une rafale précise. Je n’ai aucun doute de pouvoir l’écraser si j’y mets le paquet, mais une rafale de rail gun prolongée ou une volée de missile, risque de causer des dommages collatéraux. En terme militaire, on appelle ça l’effet shrapnel : si vous réduisez quelque chose en bouillie, vous projetez des éclats un peu partout. Au vu des analyses de mes senseurs, aussi bien les écailles que les ergots de la créature sont faits dans une matière à haute densité. Je n’aurai jamais cru voir ça chez une bestiole, même de huit mètres de long sans compter la queue.

« - Pilote ? J’offre la tournée quand tout sera fini. Aller, on a un job à faire. Le mien c’est de tenir en laisse cette créature. Skyhawk terminé. »

Aller pilote, aies du cran. Tout se passera bien.

« - Compris Skyhawk…Ici navette médicale F012. Prenez soin de nous. Nous serons là dans 50 secondes. Terminé. »

Je souris en entendant le pilote de la navette annoncer qu’il arrive. Je continue d’entraîner le Scorphibien loin de l’équipe en détresse. Je le survole, prenant soin de rester juste hors de portée de ses griffes et de sa queue, continuant à l’asticoter avec des fusées et des fumigènes.

« - Skyhawk est une maman poule. On prendra soin de vous elle et moi. »

Ben quoi ? J’ai le droit de donner un sexe féminin à mon écaille non ? C’est la mienne et je fais ce que je veux.

« - SChrrRRiiiiiiiiiiiEEEEEEEKkkkkk ! »

J’esquive de justesse la queue du Scorphibien. Elle s’est projetée vers moi, manquant de me toucher de justesse alors que j’étais théoriquement hors de portée. Des alarmes retentissent dans mon « cockpit ». Holly Shit ! Mais comment cette sale bestiole fait pour se cambrer ainsi ? Elle a gagné au moins trois mètre de portée en pliant sa colonne vertébrale en deux. L’ordinateur embarqué de Skyhawk me met en garde :

- Alerte. L’analyse de l’arme ennemie indique une forte probabilité de dommage sévère en cas…

« - Oui c’est bon, ma belle, j’ai compris. Je vais éviter d’être frappée de plein fouet »

Fucking bastard ! Tu ne veux pas dégager de là un peu ? Restant à distance, agitant toujours Skyhawk comme une cape devant un taureau, j’entraîne le monstre loin de l’équipe scientifique.

« - Navette médicale F012 en approche. On compte sur vous Skyhawk. »

Je compte bien deux minutes pour évacuer l’équipe. Les gars en bas sont sûrement choqués et ce ne sont pas des militaires entraînés. Je tire une nouvelle fusée de d’alerte droit dans la gueule du Scorphibien. Celui-ci rue et tente de l’attraper avant de la recracher avec dégoût, toussotant pour évacuer la fumée rouge de ses poumons.

« - La situation est sous contrôle mais ne traînez pas. »

Ne m’oblige pas à faire feu, ne m’oblige pas à faire feu. Je ne suis pas venu sur cette planète pour faire un safari et je n’ai pas envie de commencer une collection de trophées. Helena sera dégoûtée si je réduit un animal peut être rare en bouillie.

Mais soudain, mon radar et mes détecteurs lancent une nouvelle alerte : secousses sismique sismiques de niveau trois, détection de multiples sources de chaleur de type animale et mouvement rapide vers le lit de la rivière ? Bloody Hell ! Je prends rapidement de la hauteur, semant le Scorphibien en grimpant à toute vitesse. Je fais le point sur une zone de la forêt qui s’est soudain mise à grouiller de vie. Mes capteurs zooment sur la tête d’un troupeau de Grands Cornus qui se dirige droit vers nous.

Bon… Je n’ai pas le choix, on dirait. J’arme le rail gun et je prépare deux missiles. Le Scorphibien s’est retourné et continue de me suivre, les yeux dans le ciel. Je plonge vers lui et je tire une brève rafale à courte portée, droit devant ses pattes.

VRRTKTKTKTKVRRRTKTKTKTK !

Le sol se soulève et des rochers pulvérisés s’éparpillent dans tous les sens. Le Scorphibien a tout juste eu le réflexe de se jeter en arrière. Bien. Au moins, je ne l’ai pas touché. L’impact de près de deux cents obus haute densité vient de créer une tranchée de plusieurs mètres de profondeur entre le monstre et le site du crash.

Je fonce à toute vitesse vers le troupeau à présent. J’entends la voix d’Helena :

« - Skyhawk, j'arrive sur ta position dans quarante cinq secondes. Quelle est ta situation ? »

D’une voix calme, j’expose la situation à l’intention du pilote de la navette et de ma coéquipière :

« - Le niveau 4 est out pour l’instant, mais nous avons un troupeau de Grands Cornus en approche. Navette F012 commencez l’évacuation mais évitez de survoler le troupeau. Vous êtes prêts pour l’évacuation ? »

La voix du pilote est plus calme que je ne le craignais.

« - Oui Maman poule. On sera à la hauteur. Je vois l’équipe. Ils me font des signes. Je me pose dans 10 secondes. »

Bon. On évitera d’autres blessés.

« Compris mon poussin. Maman poule veille. Sublime phénix de mon coeur ? Serais tu assez aimable pour venir surveiller les Grands Cornus ? Je dois rester vigilante pour chasser le Scorphibien s’il insiste. »

Les grands cornus n‘ont pas de raison de venir s’approcher du site du crash, ils cherchent probablement un point d’eau. Si on ne les panique pas, tout devrait bien se passer. Je fais un grand cercle dans les airs pour embrasser la zone du regard. La navette médicale se pose et je distingue les infirmiers qui sortent pour déployer des brancards.

Le Scorphibien s’éloigne enfin des rescapés, probablement écoeuré par la course sur la terre ferme que je lui ai imposé. Un brin rassurée, j’oublie le premier principe de la loi de Murphy que tout pilote devrait pourtant se rappeler constamment : Tout ce qui est susceptible d’aller mal, ira mal. Alors que je vois le Scorphibien se détourner des humains, je prends soudain conscience de ce qui l’intéresse à présent…

« - Sublime Phénix. Niveau 4 en approche du troupeau. Je m’interpose entre les bêtes et le site d’évacuation. ».

Tout ce qui est susceptible d’aller mal, ira mal… Le Scorphibien s’approche du troupeau et soudain les bêtes paisibles commencent à paniquer… Si le troupeau charge de notre côté, je vais devoir ouvrir le feu.

Le scorphibien est réellement majestueux ! Objectivement moche, mais très impressionnant de par son envergure, sa constitution, et son apparence menaçante ! Je ne peux pas m'empêcher d'être admirative de la manière dont cet animal arrive à mouvoir un corps aussi gigantesque et sophistiqué avec autant d'aisance et de rapidité ! L'animal avance en ligne droite, renversant arbres, buissons, rochers, piétinant ou fauchant avec longue queue tout ce qui a le malheur de croiser son chemin !

Je m'imagine un instant à la place d'une telle créature. Je me vois comme une mastodonte qui rampe dans les marais à la recherche d'une proie, fend les eaux à toute vitesse. Je m'imagine ouvrir grand la gueule (et sans m'en rendre compte à ce moment-là j'ai la bouche grande ouverte !) pour saisir ma victime, la serrer entre mes mâchoires puissantes, et la secouer jusqu'à ce qu'elle ne résiste plus !
Évidemment, mes capteurs ne perdent pas une miette de ce spectacle et enregistrent tout ce qu'ils peuvent: ce n'est pas tous les jours que l'on peut enregistrer les informations sur un tel spécimen en action ! Hélas, je devrais les regarder et les analyser plus tard car mon rôle est de surveiller le troupeau de MG-TR-001, alias les Grands Cornus (on se demande lequel de ces deux noms est le plus poétique, hihihi !) comprenant une centaine d'individus qui se rapprochent dangereusement !
Oui oui, c'est ce que je fais. Absolument ! Gnap ! Je peux tout à fait surveiller sérieusement tout en saisissant ma proie avec ma mâchoire... oh pardon, je me reconcentre.

Comme nous le redoutions, le scorphibien fonce droit sur le troupeau et la confrontation semble inévitable ! Je suis un peu inquiète évidemment mais je reste tout de même optimiste: ni mon amie ni moi n'avons l'intention de donner la mort, et nous allons faire tout notre possible pour éviter un accident. Je sais que ça fera la différence !
Alice s'interpose devant le pseudo-arthropode géant et j'en fais autant devant le troupeau de quadrupèdes à l'intérieur duquel semble flotter un esprit de panique. Les pauvres bêtes poussent des cris à mi-chemin entre le mugissement et le barrissement et semblent sur le point de se disperser dans tous les sens dans la confusion la plus totale !

Faisant perdre de l'altitude à mon écaille, je me déporte doucement au niveau des cornus, conservant une distance de sécurité raisonnable mais suffisamment faible pour que les mastodontes s'écartent prudemment à mon approche. Voyant leur réaction, j'essaie de les guider à la façon d'un chien de berger: je commence par viser celui que j'identifie comme le meneur et cherche à le détourner de sa trajectoire. Forte de notre expérience de la matinée, j'enclenche une sirène qui produit un effet immédiat: l'animal beugle-mugit, et dévie légèrement sa course vers la gauche. Je l'accompagne quelques instants pour accompagner son mouvement, puis prend un peu de distance et m'assure que les autres suivent bien.
C'est drôle, j'ai un peu l'impression de conduire un troupeau de vaches XXL ! Je reste en bordure du groupe, et je m'approche dès que l'un d'eux cherche à aller dans la direction du scorphibien ou du site d'évacuation. C'est un étrange exercice, mais qui fonctionne ! Le troupeau se remet en marche, et guidé par mes rappels à l'ordre il s'éloigne peu à peu de la zone à risques.

Bon, soyons tout de même clairs, "guidés" c'est un bien grand mot ! Je dirais plutôt que je leur déconseille vaguement une direction et qu'ils m'évitent instinctivement ! Cela dit, hum... qui sait, peut-être qu'avec plusieurs "bergers" comme moi nous réussirions à faire quelque chose de productif avec de grands troupeaux comme celui-là ? Je m'imagine déjà reconvertissant notre groupe des Guerriers d'Avalon en des Bergers d'Avalon !

Durant toute la manœuvre, je suis restée en contact vocal avec le Skyhawk et son scorphibien de compagnie, ainsi qu'avec la navette d'évacuation. C'est avec un grand soulagement que nous entendons finalement:

"- Ici navette médicale F012: l'équipe est au complet, on décolle. Arrivée à la colonie prévue dans..."

Youhou !
Je reprends de l'altitude en virevoltant, toute fière de ce que nous avons fait, et rejoins Alice et sa base à missiles volante. Je fais scintiller toutes les plumes de mes ailes à son approche en guise de salut, puis nous volons toutes les deux avec élégance, encadrant ce drôle d'oiseau qu'est la navette de sauvetage.

J'ouvre une communication privée avec ma collègue Écailleuse:

"- Ici le Pimpant Chatoyant et Délicieusement Kitsch Oiseau de Feu, à l'intention de la pilote du Terriblement sexy Skyhawk. Ou l'inverse."

Je ris toute seule ! Puis je reprends avec plus de calme, exprimant mon soulagement sincère et ma joie:

"- Je suis fière de nous ! Et surtout... je suis contente que tu n'aies pas eu à tirer."

C'est quand on croit que tout va bien se terminer que la tuile se produit. J'aurai dû me douter que ce gros mastodonte de Scorphibien ne serait pas coopératif. Forcément, il a remarqué le troupeau de grands cornus et maintenant il se dirige vers lui. Le problème, c'est que cela met à nouveau en danger l'équipe au sol et les secours. Il va falloir être créative à présent parce que sinon, je vais devoir tirer avec tout ce que j'ai pour être certaine de stopper ce monstre blindé. Oh ! J'ai une idée ! Une image d'un vieux film débile qu'on a découvert à la Cinémathèque avec Helena me revient en tête. Ah tu veux jouer à ça, mochetée ? Viens là !

« - Skyhawk trouve la référence "Gimme the price", Queen, 20eme siècle. Mode haut parleur, volume maximum. «

Cela pourrait marcher : mes senseurs me signalent que la carapace du Scorphibien est recouverte de minuscules petites excroissances sensitives. Ils me rappellent un truc dont m'avait parlé Helena sur certains insectes qui se servent de ce moyen pour détecter les variations sonores et les ondes causées par les déplacements alentours.

« - Attention, ce niveau de décibel peut causer des lésions auditives chez les êtres hum... »

Bien sur ! Pourquoi crois tu que je te demande de monter le son ?

« - Oui, oui, la ferme. Avertissement noté. »

Je dois prévenir l'équipe au sol, même si je suis loin d'elle.

« - Ici Maman Poule. Bouchez vous les oreilles mes petits poussins, on va passer du bon vieux hard rock du 20eme siècle ! »

J'entends un hoquet de surprise de la part du pilote de la navette.

« - Répétez Skyhawk ? »

J'éclate de rire et je pousse sur les gaz, faisant plonger Skyhawk droit vers le Scorphibien. J'enclenche les projecteurs de lumière et je lâche un nuage de fumée lorsque je stoppe mon plongeon à moins de 5 mètre de lui. Je hurle dans la sono avant de lancer la musique :

Spoiler:

«- Hey, ugly bastard ! I'm the boss here ! »

Le riff de guitare électrique résonne soudain comme un bang supersonique et le Scorphibien s'arrête net. Je l'ébloui avec mes projecteurs de recherche avant de faire gronder les réacteurs de Skyhawk une nouvelle fois. Il recule et rue, projetant à nouveau sa queue acérée dans ma direction. Je tire mes dernières fusées éclairante droit dans sa gueule et il se détourne enfin détourne.

Dans un éclat de rire sauvage, je hurle dans sa direction :

«- There can be only one ! »

C'est Helena qui va se foutre de moi. Le film était vraiment nul mais c'est parfait pour une soirée rétro vieux films et pop-corn. Je poursuis le Scorphibien en retraite jusqu’à la la rivière avant de revenir vers le site d’évacuation. La navette reprend les airs, escortée par Helena et moi.

« - Ici navette médicale F012: l'équipe est au complet, on décolle. Arrivée à la colonie prévue dans... »

Je regarde, laissant échapper un soupir résigné, Helena qui se met en formation en virevoltant sans raison. N’importe quoi… Mais qui lui a apprit à faire ce genre de cirque ? Comment ça c’est moi ? Certainement pas…

« - Ici le Pimpant Chatoyant et Délicieusement Kitsch Oiseau de Feu, à l'intention de la pilote du Terriblement sexy Skyhawk. Ou l'inverse. »

Heureusement, c’est un canal privé… Je connais un chef des opérations qui serait pris d’une attaque en entendant ma best friend  respecter si peu le protocole.

« - Je suis fière de nous ! Et surtout... je suis contente que tu n'aies pas eu à tirer. »

Je souris. C’est vrai qu’on a fait du bon travail toutes les deux.

« - Pimpante pilote du délicieusement kitch phénix aux fesses chaudes, je suis fière de toi. Bien joué ma belle. En tant que supérieure hiérarchique, je m’octroie un droit de cuissage sur toi pour fêter ça ! Mais avant, on va fêter ça avec l’équipe d’évacuation, si tu veux bien. Terminé. »

Une journée comme une autre au sein des Guerriers d’Avalon. Je n’échangerai ma vie contre aucune autre ! Quel pied !