A peine ma réunion terminée, je file chez moi pour me changer, récupérer mon sac de voyage, laisser un petit mot à mon amie pour lui souhaiter bonne journée et lui préciser de ne pas toucher au chocolat dans le frigo, c'est le mien, et me voilà dans le hangar ! J'ai troqué ma blouse blanche contre un débardeur noir sur lequel sont suspendues des lunettes de soleil (pour la vue, pas pour la frime. D'ailleurs les gens qui portent ce genre d'accessoires en intérieur sont ridicules !), un pantalon kaki tout simple tiré des réserves de la colonie, et de bonnes chaussures de marche. Accueillie par celui qui sera à la fois mon guide et mon protecteur, je réponds avec un sourire doux:

"- Enchantée Major. C'est très gentil à vous. Je suis le docteur Helena Papadopoulos, mais vous pouvez m'appeler Helena ce sera très bien !"

Mon visage affiche un air ravi tandis que je prends le temps de détailler mon futur compagnon de mission. Mon côté professionnelle ne manque pas de noter les prothèses aux mains ainsi que le tissu cicatriciel présent un peu partout là où ses vêtements laissent entrevoir sa peau. C'est à confirmer également, mais d'après sa démarche je suis prête à parier que ses mains ne sont pas les seuls éléments cybernétiques de son corps ! Le pauvre. Malgré tout, cela n'a pas l'air d'avoir affecté sa volonté ni ses capacités, et avoir affaire à une personne aussi déterminée me met en confiance ! A moins que ça ne soit un gros poisseux, et la par contre j'aurais des raisons de m'en faire...

Je m'en inquièterai plus tard ! Tout en lui adressant un gentil sourire, je réponds à sa question par une autre question (oui je sais c'est mal, mais j'ai de bonnes raisons ! Honte, honte, honte à moi !):

"- Avez vous eu les détails pour notre mission d'aujourd'hui ?"

Je dépose le sac contenant mes quelques affaires pour la mission à côté de notre véhicule, et allume la fine tablette que je tenais sous le bras. En quelques glissements de doigts je fais apparaître une carte de notre région, obtenue grâce à quelques repérage à haute altitude effectués par nos machines, puis je glisse vers le sud pour afficher une zone nettement moins détaillée:

"- La zone 05, exactement ! Et plus que de la cartographier, notre rôle va être de faire un repérage global des espèces qui y vivent et de délimiter leurs territoires."

Ça va être génial ! Rien qu'à deux, nous allons nous aventurer dans une région pratiquement vierge, croiser des créatures qui n'ont encore jamais rencontré d'humains, et faire un travail d'une grande importance pour le développement de la colonie ! Si la région est relativement sûre ou facilement pacifiable nous pourrons envisager d'y installer des fermes. Si elle ne l'est pas alors nous aurons des centaines d'espèces à y découvrir ! Et dans tous les cas les nouvelles connaissances que nous aurons l'opportunité de rapporter seront inestimables et nous permettront de mieux comprendre les espèces avec lesquelles nous cohabitons !
C'est le genre de travail pour lequel il vaut mieux venir en petit comité histoire de ne pas effrayer la faune locale, mais suffisamment redoutables pour ne pas courir trop de dangers, d'où la présence en particulier de mon compagnon le militaire chevronné et de moi-même avec mon écaille.

"- Avez vous décidé quel trajet vous souhaitez emprunter ?"

Un sentiment de plaisir intense m'envahit alors que nous nous éloignons de la colonie et des territoires bien connus ou nous avons élu domicile. Je serais devenue folle si j'avais été condamnée à rester derrière ces murs sans aucune possibilité de parcourir le vaste monde que nous sommes venus habiter et sans en étudier les merveilles ! C'est pour ce genre de moments que je suis venue.

Certaine d'être, grâce à mon écaille, une des créatures les plus redoutables qui foule à présent la zone 5 je me consacre sereinement à ma tâche tout en laissant mon compagnon s'occuper de nous conduire. Maintenant l'habitacle de notre véhicule partiellement ouvert afin d'avoir une vue sur l'ensemble du panorama, je tiens mes jumelles munies d'une foule de capteurs et autres gadgets améliorants devant les yeux pour observer l'horizon. Le paysage est à couper le souffle, et n'a rien à voir aux parcs artificiels auxquels j'étais habituée à Melbourne. Même le magnifique point de vue que j'ai depuis mon appartement sur la colonie rivalise difficilement avec ces étendues sauvages libres de toute construction humaine et qui sent bon l'aventure !

Après quelques dizaines de minutes à rouler ainsi sans la moindre trace de civilisation à portée de vue; le capteur de mes jumelles attire mon attention sur la présence de formes de vie situées au sud-est de notre position. J'effectue un puissant zoom, et après une rapide mise au point mon appareil réussit à m'afficher un visuel sur un petit groupe de trois individus en train de batifoler dans la plaine.
Souriante, je dis au militaire qui m'accompagne:

"- Nous avons des spécimens à quelques kilomètres au sud-est: ça vous dit un petit détour ?"

Oh qu'il est beau !:

Ils sont là. Ils sont gros, et ils sont magnifiques ! Deux sprinteurs noirs à la silhouette caractéristique, semblables à un croisement entre un cheval et un dragon, en pleine action ! Le premier est en train de courir après une proie -une créature que je n'arrive pas à identifier pour le moment- tandis que le second s’éloigne d’eux en effectuant un large détour.

"- Regardez: le premier ne sprinte pas, il se contente de trotter à une distance raisonnable de sa proie. C'est le rabatteur, et c'est son compagnon là-bas qui va se charger de prendre leur victime par surprise et de l'attraper."

Tandis que nous nous rapprochons à une distance raisonnable, je ne perds pas une miette du spectacle que j'enregistre en même temps que je l'admire. Grâce au peu de bruit émis par notre véhicule j'ai bon espoir que nous passions inaperçus.
Les deux immenses reptiles de couleur noire aux allures équines semblent parfaitement coordonnés, comme s'ils communiquaient entre eux malgré la distance ou si, plus simplement, ils avaient reproduit ce manège des centaines de fois. Leur proie ressemble à une grosse autruche blanche, un pauvre oiseau pourvu d'ailes atrophiées et visiblement incapable de voler. A vrai dire ce spécimen m'intéresse plus encore que les deux chasseurs car c'est un parfait inconnu. Hélas pour lui , il vit ses derniers instants. Le second sprinteur émerge soudainement des hautes herbes où il s'était dissimulée, et en quelques enjambées à peine il atteint le pauvre oiseau pris au dépourvu !

Sa méthode d'attaque est tout aussi intéressante. Commençant par bousculer sa proie afin de stopper sa course, il en profite pour la lacérer avec les griffes de ses pattes. A ce moment il lui suffit de répéter son manège à plusieurs reprises sur sa victime affaiblie jusqu'à ce que celle-ci ne soit plus en état de fuir. Rejoint par son compagnon, les deux sprinteurs noirs n'ont ensuite plus qu'à ouvrir leurs gueules munies d'une rangée de crocs pointus pour se repaître.

"- Ils vivent presque toujours en couple." ... j'effectue un nouveau zoom avec mes jumelles sur les deux créatures pour les observer du plus près que je le peux. "Je dirais que le sprinteur était la femelle et le trotteur le mâle. C'est merveilleux d'avoir pu les voir en action d'aussi près et sur autre chose que des humains !"

Je prends encore quelques notes, vérifie l'intégrité de mon enregistrement, et demande ensuite:

"- Major Mimir, vous pensez que nous pourrions nous approcher encore ? L'idéal serait que nous puissions leur fixer des capteurs afin de pouvoir suivre leurs mouvements, étudier l'étendue de leur territoires et leurs habitudes de vie. Il va falloir que nous soyons prudents par contre: je veux éviter à tout prix de blesser ou de tuer les animaux que nous allons croiser pendant notre voyage. C'est nous qui somme les intrus ici, pas eux !"

Debout dans le véhicule, je me tiens prête à bondir. Mon écaille à demi déployée couvre déjà mes bras et mes jambes d'une couche de plaques d'un noir luisant, et il suffirait d'un mot de mon compagnon, d'un appel à l'aide, pour que je déploie mes ailes tapageuses et vole à sa rescousse ! Je suis soulagée de ne pas avoir à en arriver là pour le moment, mais je surveille avec attention mon écran qui affiche à la fois la position de Tyr et le signal de la balise installée sur notre sprinteur noir femelle. Elle n'est pas loin, vraiment pas loin de mon compagnon et de son refuge inattendu !

"- Ils vous tournent autour pour le moment, je vous préviendrai s'ils approchent. Soyez rassuré, je suis prête à intervenir en cas de danger, et s'ils mettent trop de temps à s'éloigner je viendrai vous extraire de la. Mais c'est fascinant, c'est une occasion parfaite d'évaluer leurs capacités de détection !"

Ce n'est pas seulement la réaction des sprinteurs qui m'intéresse: à ce que je sache, c'est la première fois qu'un humain s'approche d'aussi près et aussi longtemps d'un imitarbre. J'envie Tyr énormément ! La créature lui a-t-elle offert un abri volontairement ou s'agit-il d'un heureux hasard ? A-t-elle seulement conscience de la présence de mon compagnon ?

"- Je compte sur vous pour me rapporter le maximum d'informations sur votre imitarbre évidemment ! Comment se comporte-t-il avec vous ? A-t-il conscience de votre présence ? Vous avez pu prendre ses relevés de température et de radiation ? Oh, n'allez pas vous mettre en danger pour ça bien sûr..."

Je réfrène un sourire de petite fille ravie et lui demande:

"- Serait-ce trop demander si je vous suggérais de lui assigner un traceur à lui aussi ?"


Après quelques minutes, les chevaux-lézards géants noirs semblent abandonner leurs recherches. En trottant, ils retournent vers le cadavre de leur proie et reprennent leur festin. Je les observe longuement, puis lorsque je les juge à distance suffisante j'en avertis mon compagnon et lui annonce:

"- Je vous rejoins avec le véhicule, ce sera plus discret que mon écaille."

Je prends les commandes du véhicule d'exploration et avance au pas afin de ne contrarier personne que je croiserais sur ma route. Arrivée à une courte distance de l'imitarbre, je saute du véhicule qui se met aussitôt en position "autodéfense" et rejoins mon compagnon.
Toujours à demi recouverte par mon écaille, je reste aux aguets et pourtant les raisons de se laisser déconcentrer sont nombreuses ! Vu de près, l'imitarbre est drôlement crédible, pas étonnant que les sprinteurs et nous-même nous soyons laissé prendre au piège ! Je prends quelques relevés et quelques notes, et indique à mon compagnon de voyage:

"- Vous pouvez sortir si vous voulez, major Mimir."

Devant l'absence de sortie triomphale du militaire j'observe attentivement l'arbre qui se tient face à moi, m'assure une nouvelle fois qu'il s'agit du bon en contrôlant mes capteurs, puis ajoute:

"- En admettant que vous ayez une idée de comment faire bien sûr... vous savez comment lui demander de s'ouvrir ?"

Malgré l'étrangeté de la situation je reste tranquille car je sais le major ne craint rien là-dedans. Nous n'avons jamais relevé la moindre agression de la part d'imitarbres, et les seuls dégâts qu'ils ont pu causer ont été fait par inadvertance. L'étrange aide que nous a apportée cet individu confirme d'ailleurs leur statut de menace de niveau 0. Mais tout compte fait je suis contente de ne pas être à sa place, je suis tout aussi bien dehors pour observer la créature !

Rêveuse, je contemple longuement ma tablette sur laquelle le signal émis par le capteur déposé sur le Sprinteur Noir s'est remis en mouvement. Maintenant que le couple est repus, dans doute vont-ils retourner vers leurs prairies, à moins qu'ils ne se lancent dans une nouvelle chasse ? L'imitarbre, lui, n'a pas bougé.
Suivre leurs pérégrinations afin d'en apprendre davantage sur eux me passionnerait, mais ce n'est hélas pas à l'ordre du jour ! Notre mission d'exploration et d'observation continue, et nous faisons déjà route vers notre prochaine destination.

Je ne quitte mes pensées -qui ne m'empêchent pas d'observer le paysage avec un regard de passionnée- que pour converser avec mon compagnon:

"- Le giga agneau ? Oh non, malheureusement !"

J'ai un sourire qui montre que ce n'est pas bien grave malgré l'enthousiasme que la présence de cet animal me fait ressentir, et explique:

"- J'en ai juste entendu parler, mais ce sont d'autres collègues qui ont hérité du projet. Pour ma part je me suis plutôt vouée à l'étude des animaux dans leur milieu naturel: découvrir nos nouveaux colocataires, leurs habitudes de vie, leurs comportements leur façon d'interagir avec leur milieu, , essayer de les recenser... C'est ce qui colle le mieux avec mon rôle de guerrière d'avalon. D'ailleurs je suis médecin à la base, pas vétérinaire ni zoologue diplômée: d'autres personnes mieux spécialisées que moi se chargeront de comprendre leur anatomie, leur physiologie, et, certainement un jour, choisiront lesquels seront nos animaux domestiques et de compagnie !"

C'est une perspective enthousiasmante de se dire qu'on aura surement un jour nos chats et chiens de extraterrestres, non ?

"- En plus j'ai de la chance: on me laisse beaucoup de liberté parce que je suis compatible avec une écaille et que ça colle avec mes aptitudes, mais sinon je serais certainement plutôt astreinte au centre médical de la colonie à temps plein."

Non pas que ça me dérange d'exercer la médecine, au contraire, et j'apprécie autant ma présence à temps partiel au centre hospitalier que les quelques missions de secourisme que j'ai à mon actif, mais dès avant mon départ je m'étais fait un point d'honneur à essayer de découvrir et comprendre les merveilleuses créatures qui allaient peupler notre nouvelle maison. Pour le moment je ne suis pas déçue !

"- Je n'ai pas réussi à savoir comment vous étiez tombé sur ce bébé giga agneau. Racontez moi, que vous est-il arrivé au capitaine et à vous ?"

Nous sommes finalement interrompus dans notre conversation par la vision d'un troupeau de mammifères un peu semblable à des antilopinés qui déboulent à notre gauche. Avec un enthousiasme intarissable, je pose ma main sur mon cher pilote et lui fais signe en lui désignant leur direction. Nous allons les suivre évidemment !

La poursuite -à distance raisonnable- et le relevé d'informations à propos de nos étranges herbivores à six pattes nous a occupés une bonne partie de la journée, si bien que le soir pointe déjà lorsque nos nous décidons à les laisser, non sans avoir là aussi disposé quelques traceurs sur certains membres du groupe.
Tandis que nous roulons encore et que j'admire le monde autour de nous qui se teint en orange, je suis à la fois émerveillée par le spectacle et consciente de l'immensité de la tâche qui nous attend. Notre expédition n'est qu'une première goutte d'eau, et il en faudra bien d'autres pour tout connaître des merveilles qu'abrite la zone 05 !


Nous avons établi notre campement sur un espace dégagé où les hautes herbes sont plus rares et où aucun imitarbre n'essaiera de faire un câlin à mon compagnon ! Ainsi installés, nous risquons moins de tomber nez à nez avec un prédateur ou de mettre le feu à la savane par accident ! J'ai également rapidement fait un tour de la zone avec mon écaille pour m'assurer que nous n'étions pas sur le territoire d'un quelconque prédateur qui nous aurait compliqué la vie et fichu dehors à juste titre de son domaine !
Nous avons monté deux toutes petites tentes aisément camouflables qui nous abriteront de la pluie et de la vue des prédateurs du ciel. Pour les autres, le feu que nous avons allumé au centre de notre petit campement et le système de détection de notre véhicule devrait nous tenir à l'abri.

Calme, silencieuse, je suis allongée sur un tapis de sol avec mes lunettes de vision nocturne sur le nez. J'observe autour de nous la plaine qui commence sa vie nocturne, échangeant simplement quelques mots avec Tyr à l'occasion.
Ici la nuit est aussi vivante que le jour: en tendant l'oreille, outre le crépitement du feu, nous entendons une multitude de cris d'oiseaux, quelques grognements de bêtes non identifiées, et même des bruissements sur le sol tout près de nous. Nous ne semblons pas effrayer la plupart des animaux ici, pour qui nous ne sommes rien d'autre que deux nouvelles -et étranges- créatures de passage. Avec un petit sourire amusé, je me demande s'ils associent Tyr à un animal de la même espèce que moi ou s'il le prennent pour un rejeton de notre véhicule tout terrain !

Il y a une statistique connue qui dit qu'on a plus de chances de se prendre une météorite sur la tête que de gagner au loto. Ça m'a toujours paru un peu étrange voir farfelu: on entend régulièrement parler de gagnants au loto et jamais de personnes mortes écrasées par une météorite !
Pour ma part je n'ai jamais joué ni gagné à un jeu de hasard. En revanche... une énorme roche venue du ciel est en train de me tomber droit dessus !!!

Sans l'avertissement du major Mimir je ne me serais rendu compte de rien. Il me faut bien deux ou trois secondes pour comprendre et intégrer l'information... une masse, une forme semblable à une étoile qui grossit à toute allure, fend le ciel et s'approche à une vitesse impressionnante ! C'est mon instinct qui prend le dessus. Calmement pour ne pas faire d'erreur, je pose les doigts sur le rectangle métallique que je garde en permanence sur moi, et en un instant mon écaille se déploie sur mon corps ! Une protection noire rougeoyante recouvre et épouse mon anatomie, de grandes serres viennent prolonger mes pieds, un cou long et gracieux pourvu d'un bec ostentatoire vient me coiffer, et dans mon dos se déploient les ailes majestueuses et tapageuses qui ont fait la réputation de mon écaille, illuminant la nuit de leur aura incandescente !

Sans perdre davantage de temps en hésitations ni fanfaronnades, je saisis délicatement mon compagnon entre mes serres. Puis, avec une rapidité et une force qui contrastent avec la minutie dont je fais preuve, je bat d'un grand coup d'ailes tout en activant mes moteurs à pleine puissance ! Je décolle à l'horizontale et nous parcourons plusieurs centaines de mètres en un court instant. J'essaie de mettre le plus de distance possible entre nous et le point d'impact, et...

BAAAAAAAAAAAM

Le son me rappelle un peu celui des entraînements de tirs de missiles auxquels j'ai pu assister lors de mes années passées dans une base militaire, ou encore celui des tirs de la plus puissante des écailles. Mais en dix fois plus fort ! L'onde de choc me fait perdre le contrôle et mon Sublime Phénix Vermillon est projeté comme un vulgaire fétu de paille !


Je ressens les vibrations qui m'indiquent que mon écaille est en train de procéder à quelques auto réparations. J'ouvre les yeux ; instinctivement je compte mes membres. Tout répond. Idem pour mon examen de conscience. La plupart des voyants et des capteurs de mon Phénix répondent présent, tout comme -heureusement- les signes vitaux du major Mimir. Nous sommes au milieu d'un énorme nuage de fumée et de poussière, et je peine à y voir si bien que je conserve mon armure dans son intégralité pour bénéficier de sa perception améliorée.

"- Tyr ?! Vous allez bien ?"

Encore un peu sonnée par ce qui vient de se passer, ma première inquiétude est de vérifier l'intégrité physique de mon équipier. Quand bien même il m'assurerait que tout va bien, on ne peut jamais croire un homme sur parole quand il nous dit ça alors je m'assure de l'examiner rapidement. Son corps en partie cybernétique semble l'avoir protégé efficacement, heureusement !

Au fur et à mesure que le nuage de poussière se dissipe nous pouvons mieux prendre l'ampleur de ce qui vient de se passer. Un morceau de roche de la taille d'une grosse voiture, probablement un débris spatial issu d'une comète ou autre, vient littéralement de s'écraser sur notre campement après avoir traversé l'atmosphère !
Médusée, je reste silencieuse de longues minutes en observant autour de moi, et ce n’est que pour briser le silence insupportable que je finis par lâcher:

"- On... a vraiment eu de la chance. Je crois que la planète, l'univers, ou bien Dieu vient de nous envoyer un message: allez-vous en d'ici, vous seriez bien aimables !"

Au final on peut dire qu'on s'en est sortis à bon compte. Aucun de nous d'eux n'est vraiment blessé, nous souffrons de quelques contusions et beaucoup de poussières, principalement. Sans doute quelques micropuces à réajuster pour le major mais rien de bien méchant ! Ce qui est plus ennuyeux par contre c'est qu'à l'endroit où il était garé notre véhicule se trouve à présent un petit cratère bouché par l'énorme rocher, et tout ce que nous retrouvons de notre tout-terrain ce sont quelques débris épars et noircis au milieu des restes calcinés de notre camp...

J'acquiesce avec un sourire: je ne doute pas que le docteur Sharma ait eu du travail avec un casse-cou comme mon compagnon ! Mais comme le fait remarquer Tyr, nous avons d'autres problèmes bien plus urgents que de nous inquiéter de l'origine ou de la raison de la chute de ce météore inconnu. Il va falloir trouver un moyen de rentrer chez nous sans notre véhicule et tout ce qu'il contentait !

"- Hélas non, je ne pourrais jamais vous transporter sur une distance aussi grande. Je pourrais toujours le faire pour éviter certains obstacles comme à l'instant, mais jamais faire un trajet aussi long que celui que nous avons fait pour arriver ici."

Je reste pensive un moment, essayant d'évaluer toutes nos possibilités, puis je fais signe au major d'attendre un instant et je déploie de nouveau entièrement mon écaille. Je prends mon élan pour m'extraire de la zone du nuage de poussière en suspension, me stabilise en l'air et enclenche mon communicateur:

"- Phénix Vermillon à Colonie, me recevez-vous ?"
"- Krrrr.... Ksshhhhh."
"- Colonie ? C'est un appel de détresse, est-ce que quelqu'un m'entend ?"
"- Krrrshshsh fssshhhh..."

Des siècles d'évolution technologique, et on se retrouve en panne de matériel au pire moment. S'en est déprimant !! De retour au sol j'avertis mon compagnon de l'échec de ma tentative de communication de lui propose:

"- Essayons de fouiller la zone d'impact pour voir si certaines de nos affaires ont survécu malgré tout. Après ça, il faudra choisir une solution pour le plus long terme."

J'exclus bien évidemment de laisser le major Mimir tout seul pendant que je rentre chercher de l'aide ou un nouveau moyen de transport. Nous avons vu quel genre de créatures peuplaient la région: que ferait-il, tout seul, si jamais d'autres Sprinteurs Noirs venaient à le prendre en chasse ? Et puis d'ailleurs:

"- J'ignore ce que vaut la surveillance nocturne à la colonie, mais dans le pire des cas demain matin ils réaliseront que le signal de notre tout-terrain a cessé d'émettre. Il ne nous restera alors plus qu'à attendre une équipe de secours, et on sera rentrés pour le dîner demain soir !"