Me faire baby-sitter, ce n'est vraiment pas mon genre, et je pense avoir une maîtrise suffisante de mon Écaille, maintenant, pour ne pas risquer de me noyer si je plonge seule. Je ne parle évidement pas de me frotter aux grosses créatures qu'on peut voir de l'autre côté de la barrière corallienne, mais elles semblent rares, et les autres animaux croisés jusqu'à présent ne semblent pas très dangereux, si on respecte les précautions de base. Et puis, j'ai appris à nager avec des longinames pour faire des prélèvements, avec une simple combinaison grillagée. L'Écaille a tendance à me donner confiance en ma capacité à affronter tout ce qui ne dépasse pas les cinq mètres de long, et à échapper au reste.

J'ai marché jusqu'à la plage, histoire d'être un peu plus discrète qu'en armure, et de profiter de la chaleur ambiante. Je porte mon noyau  dans la poche d'un brassard renforcé, autour du bras gauche. La pression du tissu ultra-résistant me permet de savoir que je l'ai sur moi, et ainsi je ne risque pas de la perdre sans m'en apercevoir.Arrivée au bord de l'eau, je me cherche un coin un peu à l'écart des regards.On ne m'a pas interdit de plonger sur mon temps libre, mais je ne suis pas certaine que ce soit apprécié non plus, donc j'aime autant me faire discrète. Je passe derrière un amas rocheux, et je pose mes doigts sur la plaque d'énergie. Je sais que je n'ai pas besoin de la toucher pour l'utiliser, mais je garde l'habitude de le faire, comme on touche un grigri sans y penser.

"Activation."

Et sans attendre, j'entends le chuintement soyeux des nano-particules qui se déploient tout autours de moi. Je conserve les jambes déliées, le temps de m'enfoncer sous les vagues, mais très vite, je les fais fusionner. Ce n'est pas pour rien que la plupart des animaux marins terrestres ont des nageoires plutôt que des pattes. Je ne peux pas encore faire la même généralité sur SP-35R-4, mais c'est pour ça que je suis là. J'aime me retrouver dans la mer, même si elle est bien différente de celles de la Terre. Nous en sommes encore aux premières analyses, et on ne peut même pas déterminer exactement sa composition chimique, au delà du basique H2O. Les minéraux, les nutriments, le micro-plancton, tout cela contribue à la qualité de l'eau, et on ne sait pas encore quelles sont leurs natures et leurs proportions. Mais ça reste la mer. En quelques battements de queue, je m'éloigne de la rive.

J'aimerai faire des prélèvements de coraux, pour qu'on puisse déterminer sa solidité. Car si on s'en sert de barrière naturelle, il vaut mieux être certain qu'il peut résister aux rares créatures de la mégafaune maritime déjà recenser, et à toutes celles qu'on ne connaît pas encore. Mes lames me permettent de trancher quelques "branches", et je les place dans l'un des compartiments de mon armure. Je prélève aussi quelques petits animaux, des genres de mollusques et de crustacés. En les étudiant, nous pourrions apprendre beaucoup de choses sur le milieu marin local, et peut-être même découvrir de nouvelles sources de nourriture. Une fois mes échantillons en lieu sûr, je cède à la tentation de pousser plus loin mon exploration, en m'enfonçant plus en profondeur, et en m'éloignant de la barrière. Savoir ce qui peut nous attendre de l'autre côté me parait assez essentiel à notre survie.

Vigdis, j’arrive sur votre position pour escorte, tout va bien de votre côté ?


Je sursaute, et ne peut retenir un juron. Qui doit résonner dans les oreilles de mon supérieur, parfait... Car c'est bien de lui que vient la transmission. Pas un simple collègue, mais le plus haut gradé de l'UTRD, rien que ça. Typiquement l'un de ceux auquel je ne tiens pas particulièrement à exposer mes sorties solitaires. Mais j'aurai dû me douter qu'il l'apprendrait, les armures sont pourvues de balises. Je me dépêche de lui répondre, pour ne pas aggraver mon cas.

"Tout va bien, je fais un peu de reconnaissance animalière et géographique."

Après tout, c'est exactement ce dont il s'agit. Et même si je m'attends à me faire sonner les cloches, c'est toujours rassurant de savoir qu'un militaire de carrière est là en cas de problème. En regardant autour de moi, je vois les flèches colorées de différents "poissons" locaux, mais je ne distingue pas encore le plancher océanique. Avant que l'officier Dupuy m'ordonne de remonter, je ramasse ce qui ressemble à une petite limace de mer flottant entre deux eaux, et je la glisse dans l'un de mes compartiment pour analyse ultérieure. J'aimerai capturer certains poissons, mais je vais éviter de partir à leur poursuite en plantant là le militaire, il pourrait mal le prendre.

Les militaires, ce n’est pas compliqué à gérer, ça obéit aux ordres ou ça en paie les conséquences. Mais les civils, ça a tendance à faire ce que ça veut, à râler et se plaindre. Enfin, ils n’étaient pas tous comme ça, mais il fallait savoir ménager les susceptibilités. Beaucoup savaient que la vie coloniale serait compliquée, mais beaucoup de membres de l’UTRD ne pensaient pas qu’ils devraient faire ça. Fort heureusement, beaucoup comprenaient qu’ils n’avaient pas le choix pour la survie et la prospérité des leurs. Et puis, si même une gamine de douze ans affronte ça avec courage, il est difficile après pour un adulte de faire sa chouineuse.

Techniquement, il ne pouvait pas reprocher à une océanologue équipée d’un équipement de haute technologie d’en profiter pour explorer un océan inconnu. Le problème était que l’océan inconnu en question regorgeait de grosses bestioles potentiellement dangereuses et qu’il valait mieux rester en équipe. Il lui fit savoir sa présence et la première réponse fut un juron dans sa langue natale. Bon, il ne la parlait pas, mais vu le ton, ça aurait pu arracher la peinture des murs.

Ouais… moi aussi, je vous adore.

Répondit-il sur un ton quelque peu blasé. Avec les civils, il pouvait se permettre de se lâcher un peu plus, ça brisait la glace, alors il se laissait aller à des traits d’humour.

Je m’en doutais, ça vous gêne pas si je reste dans les parages ? Le secteur est loin d’être bien connu. Bougez pas, j’arrive. Mode intégral.

L’armure de Thomas se cloisonna complètement et sa visière fut remplacée par le casque à motif de visage de dragon. Il plongea ensuite, il n’avait pas la mobilité de Svana sous l’eau, mais il n’était pas à plaindre non plus.

Vous voulez rester dans ce secteur ? Si c’est le cas, continuez vos prélèvements, je vais en profiter pour faire de la cartographie.

La réponse du militaire, je ne m'y attendais pas, et ça me fait sourire. Il faut dire que je ne connais cet officier que comme mon supérieur, responsable de l'entraînement des porteurs d'Écaille. Pas exactement la personne avec qui on échange des blagues. Mais il n'a pas l'air de vouloir m'engueuler, ni de m'ordonner de rentrer, puisqu'il prévoit plutôt de me rejoindre. Je n'ai pas vraiment mon mot à dire, je me vois mal l'envoyer promener dans la situation actuelle. Alors je reste tranquille, je ne tiens pas à ce qu'il me tombe dessus au terme de ce plongeon qui s'annonce. Un bruit d'éclaboussure, relayé par les micros de mon casque, m'annonce son arrivée, et je vois rapidement se profiler la silhouette étrange et sombre d'un reptile bipède à mes côtés. Entre la sirène et le dragon, il faut croire que le fantastique reste très ancré chez les humains. La luminosité sous marine ne permet pas de distinguer les couleurs foncées avec précision, et je le vois comme un silhouette sombre, mais je sais que son armure est d'un violent profond, l'une des premières couleurs à disparaitre dans la luminosité un peu glauque.

Tant qu'à être là, plutôt que de batailler pour me faire rentrer, il se propose de joindre ses compétences aux miennes. Il est toujours utiles d'acquérir des connaissances sur un milieu à ce point inconnu, et même si il ne peut peut-être pas vraiment le distinguer, je lui réponds avec un hochement de tête.

"Je vais me concentrer sur le secteur oui, il y a suffisamment à faire pour ne pas se disperser."

Mon idée est de récolter autant d'échantillons et d'informations possibles sur ce secteur, encore proche du corail, mais assez au large tout de même pour nous donner une idée de ce qui peut nous attendre sans se perdre dans des connaissances toujours bienvenues certes, mais sans application immédiate. Trompé par mon immobilité relative, quelques poissons s'approchent de moi, et j'enregistre toutes les informations que mes caméras et mes capteurs peuvent recueillir. Une fois ces derniers éloignés, je me tourne vers le fond.

"Si vous voulez cartographier, je vais vous accompagner au fond, c'est là que je trouverai les mollusques et les arthropodes locaux."

Si je parviens à trouver l'équivalent local du homard, je suis sûre que beaucoup apprécieront. Mais surtout, les créatures du plancher sont souvent carnivores, et en les étudiant, je peux en aprendre beaucoup sur leur milieu, leurs prédateurs et leurs sources de nourriture. Ainsi que trouver, dans leur estomac, des échantillons de créatures bien trop dangereuses pour les approcher directement.

Fort heureusement, ces armures étaient quand même bien faites, et l’IA, plutôt efficace pour faire son boulot. Sa visière faisait déjà d’elle-même les compensations dues à la faible luminosité. Il retrouva donc sous l’eau l’océanologue avec son armure de sirène, bien que la femme en dessous n’en ait pas du tout le charisme, ou alors une sirène punk, style très avant-gardiste.

Un océan extra-terrestre, ce doit être le paradis pour vous ici.

Thomas n’était pas un homme de passion, il était plus terre-à-terre, plus carré. Le voyage et la découverte d’une autre planète étaient des aventures formidables, mais il les vivait comme un militaire. En tout cas, ils se dirigèrent vers le fond marin, qui n’était encore pas trop profond à cette distance de la côte.

Si tant est que vous trouviez effectivement ça au fond. Ça ressemble déjà pas mal à la Terre, mais il ne faudrait pas trop en demander non plus.

Le fond marin local était riche et d’une grande beauté, cette planète n’avait jamais connu la moindre civilisation, tout était brut ici. De ce qu’il en savait, les humains avaient appris leurs leçons et le développement de la colonie ne se ferait pas au détriment de l’écologie locale.

Allez-y, mais gardez l’œil ouvert, allez savoir ce qui pourrait vouloir nous bouffer ici. Je déploie des sondes pour le sonar à balayage pour dresser la carte locale, je vous partage le flux d’information.

Thomas fit apparaitre dans ses mains quatre sphères, sorties de son stockage quantique et les envoya dans quatre directions opposées, avant de sortir un appareil métallique en forme de tige et le planter dans le sol.

Et sonde locale en place. Tout est calme pour le moment. Vous trouvez de bons candidats pour un plateau de fruits de mer ?

Tout en laissant l'officier Dupuy disposer le matériel de cartographie, je commence à longer le fond, à un mètre environ de la surface du sol, un peu sableux, mais surtout rocheux. Je ne tiens pas à faire les frais d'un prédateur embusqué, mais c'est là que je trouverai ce que je cherche, probablement. Dans les replis de roches, les trous minéraux, les cachettes naturelles où pourrait se replier toute une faune de charognards opportunistes. Le militaire n'a pas l'air très optimiste quand à mes chances de succès, mais je ne me laisse pas démonter.

"Vous savez, les charognards qui vivent au fond, c'est une constante dans tous les océans terriens, à toutes les profondeurs. Dès dix centimètres de fond, et jusqu'à des profondeurs dépassant les 6000 mètres. Alors je me réserve le droit à un optimisme raisonnable."

Il y a une telle diversité de milieux dans les fonds marins que je ne serai même pas vraiment étonnée que certains soient assez semblables à ceux de cette planète. Pas dans les formes de vie, bien sûr, mais dans les conditions environnementales. Cet océan semble assez habité pour abriter des opportunistes, se nourrissant des débris tombant de plus haut, et des restes de cadavres de plus grandes créatures. Et je ne tarde pas, aidée par les détecteurs de mouvement, à repérer du mouvement. Mais je ne vais pas plonger ma main dans un creux de rocher sans savoir à quoi m'attendre, même protégée par mon armure. Je suis passionnée, pas inconsciente.

Mais je parviens à prendre pas mal de clichés, en infrarouge tout d'abord, puis en prise directe, et même quelques gros plans. Les informations de terrain partagées par le commandant me permettent de situer plus précisément la localisation des créatures rencontrées. Toutes ces informations seront très utiles pour mes recherches. J'en suis là lorsque l'officier me demande si je trouve nos futurs repas. Et je ne peux pas m'empêcher de le provoquer, gentiment. Je choisis, parmi mes clichés, une créature particulièrement étrange, et repoussante, que je lui envoie par le canal de transmission ouvert entre nous.

"Ça dépend, ça vous met en appétit ça ? Je dois pouvoir vous en ramener un, vous testerez le goût !"

Avec un peu de chance, il l'aura reçu en plein écran...

Thomas était plus réservé concernant le fonctionnement de cette planète. Ce n’était pas la Terre, il y avait forcément plus de choses différentes qu’on ne le croyait. Cependant, la scientifique pensait, de son côté, qu’elle allait trouver ce qu’elle cherchait.

Ma foi, c’est vous l’experte, à vous de nous dire ce qui ressemble ou non à la Terre. En tout cas, on ne peut pas dire que ça manque de vie dans le coin. En même, si ça suit la même logique fondamentale que chez nous, alors toute la vie viendrait de l’océan ici aussi.

Militaire ne veut pas dire inculte. Comprendre l’océan est fondamental pour appréhender un monde dans son ensemble. Il la laisse travailler de son côté, s’occuper des petites bêtes en tout genre, pendant que lui se concentrait sur la carte du fond marin, les courants océaniques et tout ce qui relevait de la géographie primaire. À sa blague, elle lui envoya une photo particulièrement moche, sans doute pour se payer ma tête.

Il me rappelle un instructeur du temps de mes classes, un air à peu près aussi sympathique. Je viens de me rappeler que je ne suis pas fruit de mer en plus.

Les réflexions de Thomas furent interrompues par un point sur son radar 3D, il reprit alors son attitude et son ton froid et professionnel.

Contact sur le radar d’approche, quelque chose de gros, et relativement rapide, restez sur vos gardes.

Thomas n’avait pas planifié cette mission, il n’avait pas prévu d’armement marin, ses armes automatiques seraient moins puissantes dans l’eau.

Merde, si j’avais su, j’aurais amené ce prototype de canon portatif à hydrofusion. Pas grave, si ce truc cherche la bagarre, on va faire ça à l’ancienne.

Là-dessus, il activa ses lames de bras, doutant fortement que ses griffes soient suffisantes.

Finalement, une sortie imprévue avec mon supérieur, c'est peut-être ce qu'il fallait pour briser la glace. Il a le même genre d'humour que moi, à première vue, et en tout cas, ça se passe de façon plus agréable et relâchée que je m'y attendais. Donc, évidemment, ça ne peut pas durer... Le ton se fait beaucoup plus dur, brusquement, pour m'annoncer un contact radar. Aussitôt, je me redresse, et je fouille du regard la zone d'où vient le signal radar. En vision normale, nocturne, puis finalement infrarouge. C'est là que je remarque le mouvement d'une silhouette, qui approche rapidement, comme me l'a dit l'officier.

D'un coup de queue, je me rapproche de ce dernier, les lames cubitières déployées. Je n'ai pas d'autre arme, j'avais plutôt prévu d'éviter les affrontements, mais si le commandant Dupuy est décidé à se battre, je ne vais pas le laisser seul face à ce truc, quel qu'il soit. Et ça me fait une bonne occasion de faire des prélèvements, au final. Quand je suis dans ce genre de situation, j'ai tendance à être ironiquement optimiste, voir cynique. Ça m'aide à gérer le stress. Mes ailerons se déploient, pour me stabiliser et optimiser mon agilité.

Enfin, la créature se rapproche, assez prêt pour que je puisse la discerner un peu mieux, en vision normale. L'opacité de l'eau rend ses contours troubles encore, mais je peux distinguer une silhouette longiligne, de sept ou huit mètres de long, à première vue, qui évoque un gros poisson. Ce qui n'est pas très précis, mais à cette distance, il est difficile de le classifier. Un poisson avec l'avant du corps très massif, disproportionné par rapport au reste. Je ne tarde pas à comprendre pourquoi, alors qu'il se rapproche à grande vitesse : il possède deux têtes. Ou en tout cas, ça y ressemble vraiment, aussi impossible que ça soit selon les connaissances actuelles. Des têtes évoquant fortement un squale.

"Bon, on en prend une chacun ?"

Même si les mâchoires que je distingue de mieux en mieux ne me donnent pas très envie de m'y frotter. Ce sera la première fois que je me battrais en conditions réelles, j'espère que l'entrainement sera à la hauteur. Mais je doute que quelques semaines suffisent à faire de moi une véritable combattante...

Thomas n’était pas chaud à l’idée de faire combattre une civile, c’était son côté militaire. Mais il n’y avait peut-être pas le choix pour le coup, la moindre exploration sur cette planète pouvait facilement virer à l’affrontement contre une saloperie du genre. Et ils en furent bons pour se faire attaquer par une espèce de saleté de requin à deux têtes. Une créature vaguement identifiée et que les biologistes connaissaient mal.

Deux têtes, deux fois plus de problèmes. Mais il est vachement agile, ce sera compliqué de lui échapper. Si vous ne le sentez vraiment pas, repliez-vous et je le retiens.

Une nouvelle charge de la bestiole. Thomas esquiva et tenta un coup de lame qui ne fit qu’une entaille superficielle, il l’avait raté de pas grand-chose. Malgré la puissance de son Écaille, la résistance de l’eau entravait une partie de ses mouvements.

Désolé, mais si vous comptiez étudier celui-là, va falloir vous contenter d’une autopsie.

La créature chargea de nouveau, Thomas esquiva la première gueule d’un coup de lame qui entama son museau, il évita la seconde d’une retournée agrémentée d’un puissant coup de pied. Ce dernier était amplifié par les servomoteurs de son armatures et agrémenté en prime d’une violente décharge électrique, ce qui n’eut pour effet que d’envoyer la créature vers une autre proie.

Gaffe ! Il vous fonce dessus !

Le combat commence, rapide, intense. On n'a plus le choix. Je reste d'abord sans réagir, laissant Dupuy l'affronter seul. Ce n'est pas que je ne veux pas, je suis juste figée. Je n'ai même pas peur, pas encore. J'ai juste un grand blanc dans le cerveau. J'ai réagi pareil lorsque j'ai perdu les eaux, si Jonas ne m'avait pas secouée, notre fils serait né sur le carrelage de la salle de bain. Mais les remarques du major me sortent de mon engourdissement, alors qu'il fait appel à mon esprit scientifique. Et lorsque le monstre me fonce dessus, je suis prête.

"Une autopsie, ça me conviendrait parfaitement !"

J'ai la chance d'avoir une armure taillée pour l'eau, et le combat aquatique. Elle suit et amplifie chacun de mes mouvements. J'arrive donc à esquiver la première attaque de la créature, mais je me fais surprendre par la seconde gueule, qui s'attaque à ma queue. Heureusement, l'angle de l'attaque et la surface très lisse de l'armure jouent en ma faveur, et plutôt que de m'agripper, il m'éjecte un peu plus loin. Je me rétablie, et lance un coup de lame sur le museau camus. Une entaille apparaît, et la créature secoue la tête, mais je crains qu'il soit plus en colère que vraiment blessé. Je recule un peu, puis lui assène un grand coup de queue sur la tête déjà blessée, avec toute la puissance que peuvent me donner mes répulseurs.

"Bouffe déjà ça saloperie !"

La créature se détourne de moi, pour se retourner contre le dragon d'améthyste. J'essaie d'en profiter pour attaquer ses flancs avec mes lames, tout en l'accablant de jurons dans ma langue. Je ne suis pas distinguée, et encore moins quand je stresse.

Thomas avait réussi à repousser la créature, mais cette dernière avait simplement changé d’objectif pour s’en prendre à l’océanologue en tenue de sirène. Cette dernière avait mis du temps à réagir, il ne pouvait pas lui en vouloir, ce n’était pas son boulot. Se former sur simulateur était une chose, faire face à ce genre de monstre en vraie en était une autre. Elle esquiva les attaques et le commandant décida de changer son approche. Ses ailes pouvaient le propulser dans l’eau, même s’il n’avait pas l’agilité de son équipière. Il s’arrangea pour se placer au-dessus du monstre et se propulsa violemment vers le bas. Il percuta la bête d’un double coup de pied et l’impact la fit s’écraser contre le plancher marin. Pas assez pour la tuer, mais suffisant pour la secouer.

Ce soir, je vous paie un verre pour me faire pardonner, ça vous va ?

La créature s’agita pour se débattre et elle en fut bonne pour un coup de lame, pas assez pour la tuer, mais suffisamment pour lui faire mal et le faire hurler.

Mais c’est qu’il commence à être chiant celui-là !

Thomas fonça à nouveau et planta ses deux lames dans le dos de la créature, s’agrippant fermement à cette dernière. Malheureusement, elle sembla sentir la présence de l’intrus sur son corps et commença à se débattre furieusement, forçant Thomas à assurer un rodéo plutôt imprévu.

C’est exactement ce qu’il lui faudrait après tout ça, un verre en compagnie d’une femme sympathique, histoire de décompresser de cette journée moisie. D’autant plus que la dame semblait partante. Mais il n’eut pas le temps de prévoir la soirée d’avantage, car il y avait un gros monstre à gérer. Thomas lui avait planté ses lames dans le dos et s’était accroché, provoquant une réaction plutôt remuante de son nouvel ami et une remarque plutôt amusée de l’océanologue.

Le pied ! Je me suis jamais autant éclaté de toute ma putain de vie !

A comprendre que ce foutu requin géant à deux têtes commençait à lui courir méchamment sur le haricot. La scientifique le rejoint au combat, tentant d’attaquer par en-dessous, blessant visiblement la créature vue le son qu’elle avait émit. Elle lui signala aussi que le ventre semblait plus mou.

Parfait, alors on va…

Mais il fut interrompu quand le monstre changea de position et s’écrasa sur le plancher océanique, avec son alliée humaine en-dessous. La pauvre devait être vite sortie de là et cette fois, Thomas allait vraiment s’énerver.

OK les têtes de con, vous voulez jouer ? Cette fois, ca va faire mal.

Thomas affermit sa prise avec ses griffes, activant les servomoteurs de son armure à pleine capacité, il activa ses ailes à pleine puissance et forçant la créature à se pousser avant de lui faire percuter les rochers. Toujours fiché sur le dos de la bestiole, il libéra une main et sortit de nouveau une lame en la plantant le plus profondément possible, tirant un cri de rage au monstre. Son autre main sortie une de ses armes automatique dont il ficha la bouche du canon à l’intérieur de l’ouverture avant d’ouvrir le feu et la mitrailler de l’intérieur. Le monstre poussa un cri, ses deux gueules crachèrent du sang, puis il tomba amorphe sur le fond, mort.

Vigdis !

Thomas fonça vers l’océanologue et passa une main derrière ses épaules pour lui soulever le buste et la remettre droite.

Dites-moi que ça va.

Visiblement, Svana n’avait pas l’air du genre à apprécier de se faire monter dessus sauvagement par un gros lourd, fusse-t-il exotique et à deux têtes. Thomas se retrouva à faire vite pour la dégager de là. Il cessa donc de finasser et décida d’y aller beaucoup plus méchamment, ce qui fut au détriment de la Double Mâchoire qui se fit détruire de l’intérieur à coup d’arme automatique. Une fois le squale des enfers mort, il retourna auprès de la scientifique, dont il prit soin. Vu ce qu’elle venait de lui sortir, ça avait l’air d’aller.

Et bien, et bien.

Fit-il comme remarque alors qu’elle tentait de tourner court au sujet en revenant à quelque chose de plus sérieux.

Ne vous en faites pas, je vais m’en occuper, retournez en surface et attendez-moi.

Thomas l’aida à décoller du plancher marin et s’assura qu’elle remonte correctement avant de retourner vers le cadavre de l’animal marin. Les techniciens avaient prévu le coup pour ramener de la faune géante et il sortit de son stockage quantique deux poignets qui déployèrent un ensemble de sangles pour attraper la carcasse.

Contrôle opération central, ici Dragon d’Améthyste, envoyez une navette de récupération de matériel biologique à mes coordonnées, j’ai un cadavre de Double Mâchoire. Et dites aux scientifiques qu’ils vont bientôt pouvoir se palucher dessus.

Il remonta à son tour vers la surface en trainant avec lui le corps de la bête et la navette ne tarda par à arriver pour le tracter et le ramener à la colonie. Thomas revint ensuite vers l’océanologue.

Vous avez de la chance Svana, si cela avait été un monstre à tentacules, il aurait fallut vous déguiser en lycéenne japonaise pour faire diversion.

Non, il n’avait pas oublié la petite remarque de tout à l’heure et il comptait bien la taquiner un peu.

Thomas eut un petit sourire amusé à la remarque de la scientifique sur le fait qu’elle ne ferait plus de sortie seule. La leçon avait été brutale, mais si elle était rentrée, c’était bien là l’essentiel. Il s’occupa ensuite de la carcasse du monstre qu’il confia à une navette d’extraction. Il n’avait aucun doute sur le fait que l’océanologue ferait volontiers partie de ceux qui allaient se faire les crocs dessus. Mais pour le moment, elle allait devoir supporter le commandant, son humour taquin et les conséquences d’une remarque qui n’était pas oubliée.

Vous ressemblez bien à une sirène pour le moment. Mais non, je ne pense pas que ça vous irait trop bien.

Pas du tout le style du personnage, mais en cherchant bien, il y aurait sans doute d’autres genres de costumes qui lui iraient. Il se mit à rire quand elle évoqua ses fantasmes et il répondit.

Non, je préfère les soirées en compagnie de femmes qui ont l’âge de boire en ma compagnie. Et j’espère que vous me ferez le plaisir de ce verre ensemble ce soir. Mais d’abord, je préfèrerais que vous fassiez un tour par l’infirmerie.

Sans lui demander son avis, Thomas la prit dans ses bras, selon la méthode de portage dite « de la princesse ». Après s’être extrait de l’eau, il s’envola, de retour dans le ciel qui lui était plus familier, aussi bien pour lui que son Écaille. Il était temps de rentrer au bercail, et accessoirement de faire la paperasse, il avait l’occasion de passer une soirée sympa et il comptait bien en profiter. Avec tout ce qu’il accumulait, boire un verre tout en discutant de tout et de rien lui ferait le plus grand bien.